Sur les réseaux sociaux, la nouvelle campagne de la marque française leader sur le marché des produits pour cheveux texturés fait débat.
En avril dernier, la team Les Secrets de Loly et une floppée d’influenceurs triés sur le volet se sont envolés pour Marrakech à l’occasion des 15 ans de la marque et du lancement de la nouvelle campagne Curly Not Sorry. Réunissant plus de 150 créateurs de contenus, le Pink Festival imaginé par la marque pour cet anniversaire, est apparu pour certains internautes comme une tentative pour redorer l’image de la marque alors que la gronde monte autour de la qualité des produits Les Secrets de Loly. La marque serait-elle devenue trop mainstream ? Perdant au passage sa cible première ? Décryptage.
Une promesse perdue ?
Pour comprendre pourquoi Les Secrets de Loly attire autant les foudres, il est important de rappeler que l’engagement initial de la marque était de créer une gamme complète de produits répondant aux besoins des cheveux texturés. La marque se popularisant dans un contexte de mouvement nappy, l’accent était porté en particulier sur les cheveux crépus et frisés. Une promesse que soulignait Kelly Massol lors d’une interview parue pour les 10 ans du label : «Les géants de l’industrie ne nous écoutaient pas, pour eux le segment « afro » représente une goutte d’eau et on devait se contenter des miettes que l’on voulait bien nous donner. Cette situation me paraissait anormale et, au bout d’un moment, je me suis dit que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est ainsi qu’a germé l’idée de me lancer dans le créneau».
Pourtant, aujourd’hui seules les personnes aux cheveux bouclés et ondulés semblent y trouver leur compte. Un constat qu’effectue également la créatrice de contenu spécialisée en analyse marketing Lana Careja, qui évoque une dénaturation du message initial de la marque.
@lana_careja #devinelapersonne cap sur le #rebranding de @Les Secrets de Loly annoncé ce matin sur instagram. Le renouveau semble clair par ce logotype plus commun, est-il reussi ou raté ? On en parle. . . #lessecretsdeloly #curlyhair #curlynotsorry #blackwashing #feminisme #logotype ♬ son original – Lana_careja
En parallèle, pour la revue marketing La Réclame, au travers de la campagne Curly Not Sorry «la marque réaffirme sa promesse d’engagement envers sa communauté». Sur son site, le label de Loly justifie d’ailleurs ses changements par le fait d’évoluer au gré des échanges avec cette-même communauté. Si cette dernière était majoritairement représentée par les personnes aux cheveux afro, les modifications de composition de produits, le manque de représentation des cheveux crépus et autres polémiques ont fait perdre à Loly beaucoup de ses consommatrices historiques. En 2022, Kelly Massol confiait aux Echos que les femmes noires ne représentaient désormais que 25% de sa clientèle.
Une déconnexion avec la réalité du marché
Entre un festival organisé au milieu du désert et un challenge vidéo qui ne prend pas, sur les réseaux sociaux Les Secrets de Loly creuse le décalage avec sa clientèle. Le Pink Festival a ainsi été pointé du doigt par des clientes qui ont trouvé que ce dernier créait de la distance. Beaucoup d’entre-elles reprochent à la marque de ne pas avoir privilégié l’organisation d’un évènement en France, plus accessible et s’adressant directement aux consommatrices de tous les jours plutôt qu’à des influenceurs. Réaliser un aller-retour en avion le temps d’un week-end aura également valut son lot de critiques coté écologie. Sous la vidéo promotionnelle de l’event, le commentaire le plus liké souligne ainsi le manque de cohérence que suscite le choix d’un tel mode de transport. D’autant plus lorsque la marque est appréciée pour son engagement écologique, de la composition au packaging de ses produits.
Outre ce voyage spécial influenceurs, certains éléments allant avec le rebranding des Secrets de Loly alimentent cette impression de déconnexion. Entre autres, un challenge lancé sur Instagram et TikTok qui invite les consommatrices à danser sur la musique de la campagne Curly Not Sorry en faisant bouger sa chevelure. Seuls quelques dizaines d’abonnés sur Instagram et TikTok ont relevé le défi sous le hashtag #curlynotsorry, preuve que le challenge aux allures de spot publicitaire peine à décoller. Côté branding, les coloris rose et bleu des visuels ont laissé quelques internautes sur leur faim. La simplicité des formes de fond et leur touche acidulée évoquant pour certains l’esthétique des boîtes de défrisant pour enfant et des anciens packagings DOP.
Une esthétique enfantine mais qui fait ses preuves puisque Les Secrets de Loly affichait 16 millions d’euros de chiffres d’affaires avec une croissance à 565 % en 2022. En ratissant large, la marque se place désormais comme la seule alternative pour les cheveux bouclés, ondulés auprès du grand public. Elle a acquis une notoriété spontanée au même titre que Axe pour le déodorant ou DOP pour le shampooing à l’époque. Un tour de force qui s’accompagne de critiques. Un peu comme quand, sur la carte d’un restaurant le menu est trop large, vous serez forcément déçu par un plat. Les défenseurs des Secrets de Loly eux, insistent sur la difficulté à trouvé une routine capillaire adaptée. Et sur le mauvais choix de produits.
Finalement, la meilleur preuve d’engagement de la marque vis-à-vis du slogan Curly Not Sorry aura été l’implication de la PDG Kelly Massol concernant le passage de la loi anti-discrimination capillaire. Après un passage à l’Assemblée Nationale, l’entrepreneure a récemment accompagné les députés d’outre-mer au Sénat, dernier lieu où la loi doit être adoptée.
16 mai 2024