Lancé il y a à peine deux ans, le projet propose une mode radicale et alternative.
Depuis que les problématiques écologiques et sociales ont la côte, de plus en plus de marques se réclament engagées, voire militantes. Et s’il est rare d’en trouver qui s’impliquent réellement et localement, Refunk est l’une des exceptions. Basée aux puces de Saint-Ouen, c’est à la fois une marque collective d’upcycling et une friperie à la sélection pointue. ANCRÉ a rencontré sa fondatrice, Samia Boukbir.
Le collectif, loin du “designer star”
En plus d’être engagée pour l’écologie via l’upcycling, Refunk se démarque par son fonctionnement : elle collabore avec des créatifs débutants comme expérimentés, qui proposent des designs selon leurs envies. “L’idée de ce collectif, c’est de mettre en lumière des créatifs de tous horizons. Que ce soient des étudiants en mode, des autodidactes ou des indépendants. On est ouverts à tous types de profils.” nous explique Samia. En plus des 15 designers d’upcycling, Refunk compte deux “chineuses” : ces expertes du vintage réalisent des sélections exclusives pour des événements à la boutique, qui ont lieu tous les deux mois. Leurs pièces sont exposées une journée, avec un buffet ouvert à toutes les personnes qui passent par-là.
Ce fonctionnement atypique s’explique par le travail colossal demandé par l’upcycling : “Il faut visualiser des montagnes de vêtements usés, mélangés. Et plus on est nombreux à les trier, plus on a de mains et d’idées pour les transformer, plus on nettoiera la planète.” Samia veut également donner des opportunités professionnelles au maximum de designers : “ Via l’expérience avec nous, ils vont pouvoir se révéler, gagner en confiance. On montre leur œil, leur envie de changer le monde. Chez nous, tout le monde travaille en son nom : il n’y a pas de directeur artistique star qui s’approprie les idées. Il n’y a pas de hiérarchie, et ils voient toute la chaîne de valeur : sélection, transformation, production en atelier, shooting… Notre objectif, c’est aussi de semer de graines chez toute la nouvelle génération de designers, en les encourageant vers l’upcycling.”
Forte d’une expérience dans un grand groupe de luxe, la fondatrice veut transmettre son savoir-faire aux jeunes créatifs pour les aider à monter des projets engagés. “Je me dis tout le temps que j’ai envie de rejoindre telle asso, de participer à telle action non violente… Et en fait ce qu’on fait ici, c’est de l’activisme créatif. C’est utile pour la planète, c’est utile à la jeune création. Et ça fait du bien au moral ! ”
Au coeur des puces de Saint-Ouen
Refunk s’est implanté dans un lieu réputé pour son style et une ambiance conviviale : les puces de Saint Ouen. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? “Le destin, mektoub clairement. Et l’instinct aussi : je me suis sentie bien dans cet endroit. Je viens du monde du luxe, où c’est le froid, l’individualisme… Là où j’ai grandi, c’était l’opposé : une cité HLM dans les Pyrénées, dans un milieu social très pauvre. Donc tu n’as pas les opportunités qu’on peut avoir en proche-Paris. Mais c’était aussi une belle solidarité, une ouverture d’esprit et sur l’international très jeune. Donc avec le luxe, c’était un sacré grand écart.”
Finalement, Refunk se nourrit de ces facettes de la vie de Samia : “Ce projet a réuni beaucoup de choses en moi-même et les puces aussi. C’est une évidence d’être là-bas, avec la même ouverture d’esprit. C’est le quatrième site le plus visité de France, avec des gens du monde entier qui viennent chercher le style, l’exceptionnel, la bonne affaire… On voyage par les rencontres. Et avec la solidarité entre les gens, c’est vraiment une économie alternative qui s’est créée aux puces. Depuis 150 ans, c’est le centre historique de l’économie circulaire et du chinage en France.”
Sur la proposition d’un vendeur installé depuis trente ans, Samia a commencé à gérer une boutique vintage, qui lui donne ensuite l’idée de faire de l’upcycling : “C’est aux puces que la marque est née, en rencontrant des étudiantes de la Casa 93. Je me suis dit : il y a tellement de gens qui veulent faire de la mode, il y a tellement de vêtements à réutiliser aux puces comme ailleurs, faisons quelque chose.”
Pour une mode écologique et sociale
Les engagements de la marque ne sont pas toujours simples à gérer dans une économie en crise : “C’est compliqué, car j’ai fait le choix de ne pas chercher d’investisseur, pour être vraiment indépendant et alternatif. Et bien sûr, de payer les gens correctement et de faire du Made in France, voire même Made in Ile-de-France.”
Effectivement, toutes les créations de Refunk sont produites dans des ateliers engagés de la région, parfois très proches des puces. “On va chercher certaines de nos pièces en vélo ! Ou en métro, maximum RER. C’est du système D, on est encore tout petits, en deux ans ça se développe lentement. Mais on a plein de beaux projets qui arrivent.” La marque a par exemple collaboré avec Le Closet, entreprise de location de vêtements, pour récupérer des pulls loués depuis trois ans et les upcycler avec les designers Tatjana Haupt & Alice Wang.
D’autres projets sont prévus, comme un agrandissement du lieu. “Cet endroit qu’on a créé est tellement convivial, c’est un rêve. C’est bien plus qu’un lieu de vente, c’est aussi un lieu de création, d’accompagnement des designers, d’événement et de production. On aimerait l’agrandir. Saint-Ouen c’était historiquement des ateliers de couture, donc ça ferait sens de ramener de la production ici.” On suivra attentivement le développement de Refunk, pour des vêtements qui ne font pas de concession sur l’esthétique, ni sur les valeurs.
Pour collaborer avec Refunk en tant que chineur ou designer, voici les critères : un talent créatif et un œil unique, des valeurs qui correspondent au fonctionnement écologique et social de la marque, et la motivation. Le collectif compte bientôt recruter de nouveaux designers ou chineurs via son compte Instagram.
4 septembre 2023