Nike a-t-il enfin trouvé ses nouvelles muses féminines ?

En multipliant les projets féminins, Nike s’impose doucement comme le leader d’un marché trop longtemps mis de côté par ses concurrents.

À gauche, NorBlack NorWhite / À droite, campagne « So Win » de Nike

“Quand on pense aux meilleurs leggings d’entraînement ou vêtements de sport pour femmes, on pense à des marques comme Lululemon et Alo Yoga ; Nike n’est pas le premier choix,” avance Dan Hastings-Narayanin, rédacteur en chef adjoint de l’agence de prospective stratégique The Future Laboratory, à Vogue Business. Et ça, Nike, ne peut l’accepter. Alors depuis quelques temps, la marque à la virgule change son fusil d’épaule et mise sur les femmes, qu’elles soient athlètes, modèles ou femmes d’entreprise, pour tenter de conquérir un marché qu’elle ne peut plus se permettre de délaisser. 

Les femmes à la rescousse

Dans sa quête du marché féminin, Nike a frappé fort le 18 février dernier en créant la surprise grâce à une alliée de taille : la star Kim Kardashian, fondatrice de la marque de shapewear SKIMS. En lançant une marque collaborative conçue pour les femmes, l’entreprise affirme son désir de développer son activité féminine. Un instant que Dan Hastings-Narayanin qualifie de “décisif” et que la marque se félicite déjà d’avoir orchestré : en une journée, l’action Nike a bondi de 6,2 %. Une bonne nouvelle pour Elliott Hill, PDG de Nike qui a hérité, à l’automne 2024, d’une entreprise en difficulté aux revenus en baisse de 10 % par rapport à l’année précédente. Première étape pour Hill ? S’entourer de femmes. Ainsi, Amy Montagne (ancienne DG de Nike Women) a été promue au poste de Directrice générale de la marque en mai. Ann Miller, au poste de vice-présidente exécutive du marketing sportif mondial. Nicole Graham, au poste de vice-présidente exécutive et directrice du marketing. Fini le boysclub : aujourd’hui, à en croire le site de Nike, 43 % des postes de responsables sont occupés par des femmes. En 2020, elles n’étaient que 39 %.

Car pour remettre son bébé sur les rails, le nouveau boss a une stratégie toute trouvée : développer sa clientèle féminine, qui, ces dernières années, s’était montrée plus méfiante envers la marque à la virgule, pour cause de nombreuses polémiques au sujet du traitement des femmes. Comme le rappelle, Business of Fashion, « les clients se plaignaient de produits peu inspirants et d’un marketing superficiel. Des employées du siège de Nike à Beaverton, dans l’Oregon, ont évoqué au Wall Street Journal et au New York Times une culture de club de garçons où les femmes étaient marginalisées et privées d’avancement. » Et en deux ans, Nike a laissé partir deux de ses ambassadrices féminines les plus célèbres : la star de l’athlétisme Allyson Felix et la médaillée d’or en gymnastique Simone Biles. Alors pour se débarrasser de sa mauvaise réputation, Nike doit faire fort. Et marquer les esprits. Une ambition clairement affichée quelques semaines avant l’annonce de la collaboration NikeSKIMS, lors du Super Bowl. Avec son spot publicitaire “So Win”, Nike rassemble la crème de la crème de ses athlètes, de Caitlin Clark à Sha’Carri Richardson en passant par A’ja Wilson, pour prôner l’empowerment par le sport (le tout narré par la nouvelle coqueluche du hip hop et de la mode, Doechii).

La performance au féminin

Le message est clair : Nike soutient les filles qui ont la niaque, les femmes fortes et irrévérencieuses, celles qui dépassent les limites. Leurs limites. Quelques mois après le coup du Super Bowl, l’entreprise américaine affichait sur ses réseaux sociaux son soutien sans faille à la coureuse kényane Faith Kipyegon dans objectif de devenir la première femme à courir un mile en moins de quatre minutes. Objectif qu’elle espère atteindre le le 26 juin au stade Charléty à Paris, toute de Nike vêtue, bien évidemment.

En mai dernier, Nike a lancé la A’One, une paire pensée pour les basketteuses en collaboration avec la championne A’ja Wilson, promue par un spot tournée par Malia Obama. Et mettant en scène toute une génération de jeunes filles motivées par les exploits de la triple MVP. Un produit 100% féminin, aussi bien dans sa conception que dans sa prospection, complètement revendiqué par Ben Nethongkome, Lead Designer de la A’One : “Avec A’ja, la nouvelle génération a un modèle à suivre. Avec la Nike A’One, A’ja encourage les filles en leur rappelant dès qu’elles enfilent leurs chaussures qu’un jour, elles pourront lui ressembler.” 

Le virage mode 

Si cette conquête passe évidemment par le sport, Nike a bien compris que le marché féminin était différent de celui des hommes. Plus exigeant. « Travailler dans le secteur féminin exige de croire en l’avenir… et d’envisager un avenir différent de celui d’aujourd’hui, déclare à ce propos Amy Montagne à BoF, C’est cet esprit qui m’accompagne dans ce rôle. »Car si les consommatrices cherchent bien entendu des produits performants, elles veulent aussi porter des choses qui incarnent un message, sans jamais négliger l’esthétique. L’équilibre, lui, est difficile à trouver. Robyn DelMonte, consultante créative et créatrice de contenu, résume ce point, toujours pour Vogue : “Je recherche des vêtements élégants et confortables, et pas seulement axés sur la performance.” Alors pour Daniel-Yaw Miller, auteur du Sportsverse Substack, le partenariat Kim K/Nike représente l’idée du siècle : “Nike pourrait se servir de cette association pour orienter la conception du reste de ses produits pour femmes et tirer des enseignements des données : elle pourrait ainsi comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.” Et ainsi, appliquer ces résultats à ses autres produits. Mais avant de pouvoir compter sur les retours-clients de NikeSKIMS, Nike tâtonne. Et se dirige, assez intelligemment, vers le monde de la mode pour tenter de cerner les envies vestimentaires des femmes.

Lancée le 27 mai dernier, la Air Max Muse Nike x Veneda Carter s’appuie sur le goût d’une des stylistes les plus en vogue du moment, Veneda Carter (également créatrice de bijoux), pour revisiter l’un de ses classiques. Avec, l’idée, d’en faire un modèle avant-garde. “L’Air Max Muse est exactement le type de chaussures que j’adore porter. Elle a un charme universel, alliant un look classique et sportif à une touche féminine et sexy, détaille-t-elle, En créant cette version de l’Air Max Muse, j’ai voulu faire transparaître ma personnalité et mon énergie, afin que quiconque la voit reconnaisse immédiatement mon style. On peut les porter toute la journée, que ce soit pour flâner dans la rue, aller à une soirée, dîner ou aller à la salle de sport. Les embouts de lacets texturés, assortis à mes bijoux, font également ressortir la chaussure en toute occasion, lui conférant un look vraiment haut de gamme.”

Une stratégie qui permet à Nike de revaloriser des modèles qui ont déjà fait leur preuve, de les féminiser sans entrer dans la caricature de la réédition rose. Mais aussi, et surtout, de les rendre plus pointus et ainsi espérer s’attirer les faveurs d’un public plus référencé, qui aurait peut être tendance à bouder le modèle phare du géant américain, plus mainstream. Bref, avec des collaborations du genre, Nike conserve sa clientèle d’origine tout en séduisant les femmes moins branchées sportswear, qui voient en l’Air Max Muse façon Veneda une version plus élégante du modèle, ainsi qu’une population plus modeuse. So win-win-win.

Tout porte à croire que la prochaine étape d’Elliott Hill, c’est justement de faire fusionner niche sport et tendances des podiums. Pour arriver à cette association tant espérée par les consommatrices de performance et d’esthétique. Pour cela, la marque à la virgule multiplie les collaborations pointues. Et féminines. Yoon Ahn d’AMBUSH, Christelle Kocher de Koché ou encore Marine Serre ont ainsi toutes apporté leur touche mode aux modèles techniques de Nike, offrant à la marque une crédibilité mode et bénéficiant de l’audience plus grand public de Nike. La prochaine en date ? La très attendue capsule NORBLACK NORWHITE x Nike, pilotée par la créatrice indienne Mriga Kapadiya, dont le futur drop est prévu pour le 11 juin prochain.

Sous Elliott Hill, les frontières entre sportswear et mode se brouillent encore plus, jusqu’à permettre à A’ja Wilson d’assister, en janvier dernier, à sa première Fashion Week, comme ambassadrice de la marque. Ou encore à Naomi Osaka de porter des tenues toujours plus pointues, toujours plus extravagantes, lors des différents tournois du Grand Chelem. Et de contribuer à l’identification de Nike par le grand pubic féminin comme LA marque qui allie performance, style et empowerment. Le tiercé gagnant quoi.

4 juin 2025

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