Pour son tout premier concert, la chanteuse a joué à guichet fermé, envoûtant une salle déjà conquise.
Pour certains Lyna Mahyem n’est peut-être qu’une chanteuse Snapchat, une de celles dont seuls quelques médias rap underground parlent. Pourtant depuis ses débuts il y a presque dix ans, la chanteuse a toujours baigné son public dans des titres loins des punchlines et autres tendances du rap français. À croire que son lieu de naissance, Argentueil, la cantonne à la case « urbaine ». Pas de celle qui excite les pages musicales des médias mainstreams, et pourtant au moment de quitter la salle majestueuse du Trianon ce 25 octobre au soir, la foule présente pour le tout premier concert de Lyna Mahyem a le sourire aux lèvres et presque plus de voix. Le public a repris en coeur et par coeur, chacune des chansons interprétées par l’artiste qui a offert avec générosité 2h30 de show. « Vous avez vu on a taffé », lance Lyna avec fierté. Apparue dans un ensemble jogging orange, elle enchaine les chorégraphies avec quatre danseurs avant de quitter son outfit sportswear pour une longue robe rose de diva, pour finir dans un ensemble tailleur noir élégant. Les tableaux sont réfléchis, préparés, les invités nombreux. Ils seront plus d’une dizaine à se succéder, Kayna Samet, Zaho, Bramsito, Franglish, Imen ES, Moha K, Lartiste… tous venus la soutenir sur scène pour cette date emblématique.
Quand on rencontre Lyna Mahyem pour la première fois, un peu avant l’été, notre timing est serré. On capture quelques portraits d’elle avant de lui donner rendez-vous plus tard pour une interview. On lui posera quelques questions lors d’un coup de fil arrangé lors d’une pause déjeuner alors qu’elle fait du shopping sur les Champs-Elysées entre copines. Mauvais timing peut-être, on raccrochera avec le sentiment d’une interview ratée. Si on ne mène pas un entretien en sachant déjà ce qu’on va raconter, on sait aussi reconnaitre quand le moment n’était pas le bon. Il ne l’était pas. Parce qu’on sait que derrière une attitude un peu froide de prime abord, se cachent des milliers de fans, de vues sur Youtube, une fanbase solide et communicative. Une armée que Lyna Mahyem a construite toute seule depuis sa cover du titre « 92i Veyron » de Booba, qui la fera exploser sur Youtube en 2016. Une reinterpétation féminine qu’elle offrira en guise de souvenir au Trianon ce mardi soir tout comme « Tiens ça », morceau sorti la même année. Six ans plus tard, le public s’époumone sur les anciens comme les nouveaux morceaux. Absolument tous. Preuve que la carrière de Lyna Mahyem repose sur des fondations solides. Et à l’heure où elle invite Kayna Samet sur scène, artiste avec qui elle a grandi et qui lui offrira une place dans son Planète Rap, Lyna fait aussi figure d’ancienne. Sans s’en rendre compte peut-être encore.
Dans la fosse, un papa tient sa fille d’une dizaine d’années sur ses épaules. Dans ses mains une pancarte « Lyna je t’aime ». Au balcon une maman a accompagné une fille et sa copine. Elles hurlent chaque parole de « S.O.S » un morceau alertant sur le harcèlement scolaire. Mères, filles, soeurs…. le public de Lyna ressemble à une famille avec qui on communie, à qui on raconte nos peurs, même les plus tues. Il est presque l’heure de rendre la scène, Lyna Mahyem demande d’allumer les flashs pour la petite Lola, retrouvée morte dans une valise dans le 19ème arrondissement de Paris. « Parce que ce monde part en cacahuètes », elle lui dédiera « Purple », titre sur le viol. La voix est maitrisée, dansant dans des effluves orientales, signature vocale de l’artiste qui fête ce même soir son 1 million d’abonnés sur Youtube. Les gestes eux sont humains, tout comme quand elle lancera une bouteille d’eau en direction d’une personne se sentant mal dans la foule et interrompant son morceau. La classe. En jogging, en robe, en tailleur, en talent.
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Direction artistique et stylisme : Hanadi Mostefa
Photographe : Jauris Bardoux
26 octobre 2022