Le business florissant de la ménopause

De L’Oréal à Goop, la ménopause rapporte gros. Longtemps ignorées du marché, les femmes de plus de 50 ans sont aujourd’hui l’une des cibles principales de l’industrie des cosmétiques et du lifestyle.

Crédit photo : Gauche/Halle Berry sur Instagram – Droite : Goop

Il fut une époque où Hollywood ne voulait pas vieillir. Des âges dissimulés, des rides masquées, et un passage du temps qui semble inexistant, tant sur le visage et le corps des stars de cinéma que dans les rôles qu’elles interprètent. C’est simple : les personnes de plus de 40 ans étaient presque entièrement absentes du paysage médiatique. Pourtant, aujourd’hui, ces mêmes célébrités décident de s’extirper de cette pression âgiste et revendiquent aujourd’hui les changements hormonaux et corporels qu’elles subissent. Plus encore : elles en font un business. De Naomi Watts à Halle Berry en passant par Gwyneth Paltrow et Drew Barrymore, chacune y va de son entreprise de compléments alimentaires, de coaching de vie ou de soin de la peau. De quoi lancer une véritable tendance, suivie de très près par les géants de la beauté. 

Une tranche d’âge qui ne se cache plus

En 2022 et 2023, Ulta Beauty et Sephora ont lancé des gammes dédiées à la ménopause avec des marques comme Womaness, Joylux et Stripes proposant des solutions contre la sécheresse intime, la perte de cheveux ou les bouffées de chaleur. Et il était temps : un rapport récent de Women’s Health Access Matters a évalué le marché de la ménopause à près de 18 milliards de dollars en 2024. Et prédit qu’il atteindra 27 milliards de dollars d’ici 2030. Une avancée qui va avec un empouvoirement toujours plus croissant du genre féminin. “Historiquement, la ménopause a été un sujet profondément stigmatisé, rappelle Colette Courtion, PDG de Joylux, pour Vogue Business, Le discours culturel la présentait comme la fin de la vitalité plutôt que comme une transition vers une nouvelle étape de vie plus épanouissante. De ce fait, les marques et les investisseurs ont largement ignoré cette catégorie, et la recherche médicale sur la ménopause est restée sous-financée pendant des décennies.” 

Gwyneth Paltrow à la projection du documentaire The Goop Lab. Crédit photo : Rachel Murray

On a longtemps fait sous-entendre aux femmes qu’après 40, 50 ans, elles n’étaient pas les cibles principales des secteurs du bien-être et de la beauté. Pourtant, aujourd’hui, plus question pour elles d’être mise sur le carreau. “Elles sont plus que jamais soucieuses de leur bien-être et attendent le même niveau d’innovation et de soins pour la ménopause que pour les autres aspects de leur santé », poursuit Colette Courtion. Et rater une telle opportunité commerciale pour les marques, c’est tout simplement inenvisageable. Et pour cause : d’après la gynécologue-obstétricienne canadienne, la Dre Jen Gunter, auteure du Manifeste de la ménopause et interrogée par Wired déclare qu’en 1990, 471 millions de femmes dans le monde étaient ménopausées. Un nombre qui devrait dépasser le milliard cette année. “Ce n’est pas un événement de niche, rappelle-t-elle, mais un événement majeur pour la moitié de la population.” 

Les stars, sur le coup

Dès lors, des célébrités ont tenté de se faire les porte-paroles de toute une catégorie de femmes et (surtout) de ce business, ultra-luctratif. Leur gourou ? Gwyneth Paltrow. Fondatrice de Goop, une marque de lifestyle et de bien-être créée en 2008, l’actrice a récemment lancé des séminaires consacrés aux hormones. Baptisés “Goop Immersive : Hormonal Edition”, ces week-ends bien être ultra-luxueux (1600 dollars l’inscription) rassemblent des femmes à Santa Monica, toutes sujettes à des changements hormonaux. Valorisé à 390 millions de dollars, Goop, c’est d’abord une newsletter consacrée à la santé (alternative) des femmes. Mais il suffit de taper “santé hormonale” sur le site pour trouver quelque 230 résultats, dont une grande majorité consacrée à la périménopause et à la ménopause, allant de compléments alimentaires aux fameuses retraites. 

Aux côtés de ses collègues, Drew Barrymore et Cameron Diaz, la femme d’affaire a également investi dans Evernow, une société de prescription d’hormones en ligne fondée en 2019 qui vise à “construire une nouvelle façon de fournir des soins de santé basée sur la science, l’innovation et l’expérience vécue des femmes avec la ménopause”, selon le site. De son côté, l’actrice oscarisée Halle Berry a fondé Respin Health, un programme en ligne qui met en relation des femmes avec des médecins et des coachs santé afin d’élaborer des plans de santé personnalisés quand Naomi Watts propose des compléments alimentaires, des soins de la peau et des produits intimes destinés aux femmes en ménopause et en préménopause. Michelle Obama, Oprah Winfrey, Kim Cattrall… Même lorsqu’elles n’investissent pas, les célébrités n’hésitent plus à parler ouvertement de leur ménopause. Et rendent ce qui était jusqu’alors tabou, désirable. “Les célébrités ont rendu la ménopause sexy,” résume Tara Ellison pour le LA Times

Le secteur de la beauté, forcé d’évoluer

Fort de ce constat, l’industrie des cosmétiques tient, elle aussi, à s’emparer de cette part de marché. D’après Well and Good, depuis 2020, une douzaine de marques de beauté axées sur la ménopause ont été lancées. C’est notamment le cas d’Alloy, une entreprise de solutions pour la ménopause qui a levé 16,3 millions de dollars à ce jour. Avec la peau comme cheval de bataille, la marque propose des produits à base d’oestrogènes pour accompagner les femmes dans cette période de transition, qui voient leur taux chuter, entraînant une altération de la fonction barrière de la peau, qui va avoir tendance à se déshydrater. Comme l’explique la co-fondatrice Monica Molenaar au WWD, “les œstrogènes sont l’hormone principale qui affecte chaque cellule de notre corps, la peau étant en fait le plus grand organe que nous ayons. Ils créent de l’élasticité dans la peau et hydratent les cellules.”

@myalloy

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♬ original sound – Alloy Health

De leur côté, les marques déjà existantes adaptent également leur offre à cette demande. Les marques de soins de la peau  No7 et Prai Beauty proposent désormais des gammes de produits pour la peau ménopausée tandis que la marque capillaire Charles Worthington se vante d’avoir “développés et testés sur des femmes périménopausées et ménopausées” leur nouvelle gamme de soins hydratants et volumateurs. Chez Vichy (groupe L’Oréal), un total rebranding de la gamme Néovadiol dédiée au personnes de plus de 50 ans a permis une image plus dynamique, plus en phase avec l’évolution du public cible. “L’opportunité représentée par les réseaux sociaux, vecteurs de changement de la société, partage à e-marketing Camille Olivier, Managing Director et co-fondatrice de Ctzar (l’agence en charge du rebranding, ndlr), à l’instar des mouvements Me too et de ‘body positivity’. Nous avons souhaité créer ce parallèle avec le mouvement de #Menopositivity, qui signifie que la ménopause est certes une fatalité, mais que la façon dont on va la vivre peut, elle, être positive”.

Plus de doute : la femme que l’on nommait auparavant “d’âge mur” prend soin d’elle comme ses consoeurs plus jeunes. Mais qu’en est-il de l’apparence ? Car si de nombreuses gammes axent surtout leurs gammes sur le bien-être, certaines vont plus loin en proposant du maquillage adapté aux femmes de plus de 40 ans. C’est notamment le cas de Sarah Creal Beauty, qui a récemment lancé la ligne de rouges à lèvre “Speak for Yourself”, dont l’application et la tenue sont pensées pour les rides et ridules. Interrogée par Well and Good, Addison Cain, spécialiste beauté chez le bureau de tendance Spat, résume : “On pense souvent à tort qu’à partir d’un certain âge, la beauté cesse d’être une question de plaisir et devient une question de solutions. Mais avec ces nouvelles offres de produits et un paysage marketing en pleine évolution. Il y a de la place pour s’amuser, quel que soit l’âge.” 

25 août 2025

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