Cinq jeunes femmes nous racontent pourquoi elles n’ont plus de complexe à porter cet accessoire destiné à protéger leurs cheveux même en dehors de chez elle.
« Je le porte quand je suis bien coiffée et quand je suis mal coiffée », nous lance Ludmilla, 21 ans, qui arbore fièrement le bonnet de nuit en soie orange qu’elle a confectionné elle-même. C’est en arrivant à Paris que cette native des Antilles a commencé à recouvrir ses cheveux en raison de la pollution qui sensibilisait son afro. Avant ça, elle s’obligeait parfois à rester chez elle toute la journée en cas de soirée prévue dans la capitale, afin que ses cheveux restent bien en place. « Je le porte même à l’école ! », nous confie l’étudiante, bien décidée à se libérer des contraintes de la boucle parfaite. « On est quatre à le porter en cours. C’est peut-être un peu drôle pour les autres mais pour nous c’est tout à fait normal ».
À celles qui n’ont pas le type de cheveux afro, ou tout simplement bouclés, le bonnet de nuit est peut-être encore une énigme. Apanage des hommes à la Renaissance, qui troquaient leurs perruques blanches contre un petit bonnet de nuit pour recouvrir leur crâne chauve, il était utilisé pour réchauffer le corps. Chez les femmes et les hommes afro ou chez celles et ceux qui ont une nature de cheveux bouclés, il revêt une toute autre utilité. Cette charlotte soyeuse est essentielle pour ne pas casser les boucles. Elle se substitue à l’emploi d’un chouchou par exemple, qui lui viendra dessiner un vilain pli sur les tiffs et exercer une pression non naturelle. Le cheveux afro est également plus sensible aux variations de températures et d’humidité dans l’air. Le bonnet de nuit permet de maintenir l’hydratation au sein de sa crinière ou de protéger ses tresses des frottements sur l’oreiller.
Entre éveil féministe et goût du style
« Chez nous il y a une véritable culture du soin du cheveux, donc le bonnet de nuit est quelque chose d’assez naturel », poursuit Ludmilla qui assume jusqu’au bout son utilisation en public. « J’en ai un pour le jour et un pour la nuit. Je le pense vraiment comme un accessoire de mode. J’associe les couleurs à ma tenue du jour. ». Chose que Flora, 29 ans, fera désormais. Vêtue d’une petite robe en jean, de Crocs jaune fluo aux pieds, de lunettes de soleil orange oversize et d’un large bonnet de nuit violet, elle constate dans le reflet d’une vitre : « Attend mais là en me regardant avec ma tenue aujourd’hui je me trouve grave stylée ! ». La presque trentenaire n’a jamais eu de complexe à porter le « bob » pour aller à la boulangerie, à la banque… « pour moi c’est comme lorsque tu mets un serre-tête pour cacher tes cheveux gras, que tu utilises un chouchou pour les attacher si tu laisses poser un soin. Le bonnet de nuit il a la même fonction donc je n’ai jamais eu de complexe à le porter dehors« . En revanche elle l’avoue, il ne lui était jamais apparu comme un véritable accessoire de style. « Maintenant je me vois carrément aller en soirée avec ! ». Mais est-ce que le vigile la laissera rentrer ? Cette cheffe de projet évènementielle qui organise des soirées hip-hop sur Paris émet tout de même un doute. « C’est vrai que c’est la même chose qu’un couvre-chef et souvent ils ne sont pas acceptés ».
À celles qui n’osent pas encore se pavaner avec dans la street, Ludmilla conseille de sauter le pas. Pour des petits trajets au départ, aller faire ses courses en bas de chez soi. « Vous verrez tout le monde s’en fout ». Même rengaine chez Khady, 21 ans, qui a essayé de convaincre ses amies de la suivre. « J’habite à Saint-Denis et un jour j’ai dis à mes potes qui me charriaient un peu : « levez-la tête les filles ». Face à nous il y avait au moins cinq jeunes filles qui en portaient un. De vivre ici, ça m’a aussi permis de le banaliser« . Ce « chapeau de tous les jours », comme le décrit Khady, elle a choisi d’en faire un véritable plus de sa tenue. « J’en ai plusieurs que j’associe à mon style qui est monochrome. J’en ai juste un en Wax que je garde pour les grandes occasions. Si je décide de le porter à une soirée par exemple« . Coût de cet objet réalisé à la main et sophistiqué : 45 euros.
Pour Mayllis, 23 ans, la révélation s’est faite avec son éveil au féminisme. « J’ai osé le bonnet de nuit dehors assez récemment, quand j’ai commencé à me dire que j’en avais marre d’être esclave de toutes ces choses qu’on nous impose ou qu’on s’est imposées en tant que femme. Maintenant je me coiffe quand je veux, je m’épile quand je veux, je me maquille quand je veux ». Si elle le revêtait avant simplement pour cacher une afro « fatiguée », elle s’en sert maintenant pour protéger ses tiffs lors de voyages en transport par exemple.
Fierté culturelle et futur durag féminin
Elle est la plus jeune des femmes à qui nous avons donné rendez-vous ce jour là, mais Lauryn, 20 ans, souligne la signification culturelle du bonnet de nuit avec fierté. « En grandissant j’ai réalisé que cela faisait partie de mon identité, que ça se rapportait à nos cheveux afro alors pourquoi cacher ce qui est aussi culturel chez nous ? », nous confie celle qui vient de commencer un stage en communication chez Sixth June. Avant d’ajouter : « C’est peut-être bizarre à dire mais avec un bonnet tu es toujours bien coiffée. Aucun cheveux qui dépasse, ou de frisottis qui se font la malle ». Le déclic Lauryn l’aura eu avec le confinement, période qui aura largement participé à « démocratiser le chill tout en devenant une esthétique inspirante dans la mode ». Alors si cette charlotte protectrice n’a pas encore été adoptée par le plus grand nombre en public, Khady lui prédit un avenir heureux. « Le durag porté par les hommes afro est devenu un accessoire de mode, peut-être que le bonnet de nuit sera le durag féminin et qu’on le verra partout ».
25 août 2022