Beyoncé et Diddy : accusations sur fond de complotisme et d’extrême droite

Depuis la chute du magnat de la musique hip-hop, les conspirationnistes veulent voir tomber la superstar américaine.

Diddy, Beyoncé, Jay-Z, Cassie et Naomi Campbel au MET Gala en 2015. Photographiés par Mario Testino

Il y a encore cinq ans, personne ne se doutait que les noms de Diddy, Jeffrey Epstein et Harvey Weinstein seraient associés. Et pourtant depuis 2020, ces grands noms d’Hollywood font tristement les une des médias internationaux, pour s’être chacun livré à des viols répétitifs. Alors que les deux derniers ont été condamnés par la justice américaine, Diddy lui attend son tour derrière les barreaux d’une prison fédéral de New York. Une chute qui emmène de manière numérique Beyoncé et son mari Jay-Z entre autres. Le couple est accusé par des complotistes d’appartenir à une élite pédosataniste.

Le couple Jay-Z et Beyoncé est proche de Diddy. Les deux rappeurs ont noué une amitié depuis les années 90. Ils ont publiquement été vus ensemble pour la dernière fois en avril 2022, à l’occasion de la célébration de l’étoile sur le Hollywood Walk Of Fame de Dj Khaled. Diddy n’était pas présent lors du brunch organisé en 2023 par le label de Jay-Z, Roc Nation.

Le départ de l’affaire

Depuis une plainte déposée par son ex-compagne Cassie, de son vrai nom Cassandra Ventura en novembre 2023, plus de 120 personnes accusent Diddy d’avoir construit un véritable réseau de prostitution forcée et de trafic sexuel. Face à ces révélations, Internet s’est mis en état de marche pour faire tomber le tout Hollywood. Car derrière ces lettres célèbres se cacheraient une élite qui ferait allégeance à Satan et assoiffée de sang d’enfants. Elle se livrerait même à des rituels sexuels avec des mineurs. Plus d’un quart des américains croit à cet élite pédosataniste comme le révélait un sondage de CNN en juillet 2023. Une théorie du complot qui est signée de la mouvance Qanon.

Née en octobre 2017 sur 4chan, un réseau d’échanges d’images sur internet, cette secte numérique suit les dires d’un mystérieux personnage, qui écrit sous le nom de code “Q”. Ce dernier se présente comme un haut fonctionnaire du gouvernement habilité au secret défense, “en mission pour informer le public du plan de Donald Trump pour arrêter un réseau criminel de personnes puissantes appelé « l’État profond » (« deep state » en anglais)”, décrypte Brut. À ce “Q” se greffe rapidement l’acronyme ANON pour Anonyme. Ce mouvement nait sur un terreau fertile aux fake news, puisque moins d’un mois plus tard, en novembre 2017, Donald Trump remporte la présidentielle face à Hilary Clinton. Pendant plusieurs mois l’ancien président des États-Unis aura mené une campagne basée sur les mensonges et sous suspicion d’ingérences russes.

Internet : l’autoroute des thèses complotistes

Depuis la révélation de l’affaire Diddy, sur X, Instagram et TikTok de nombreux comptes s’attèlent à viraliser des contenus ciblant Will Smith ou encore le couple Jay-Z Beyoncé. Et ce dans toutes les langues. L’algorithme de X permettant désormais de pousser du contenus sur votre timeline même si vous ne suivez pas les comptes auteurs de ces Fake News. Avec toujours la même intention : prouver que les superstars qui ont côtoyé Diddy de près ou de loin, sont les prochaines à tomber. À grand renfort de photo-montages et de liens clikbait, ces comptes assurent qu’un réseau de tunnels visant à faire transférer des enfants aurait été découvert sous l’une des propriétés de Diddy. Une rumeur déjà utilisée pour faire tomber Hilary Clinton face à Trump lors de la course à la Maison Blanche en 2016.

Un peu plus loin dans le feed, ce sont des photos du basketteur LeBron James en soubrette qui sont retweetées. Ce dernier se préparerait à un rituel pédosataniste selon le compte qui relai ces photos générées par une IA. Un clic suffit pour voir que l’internaute à l’origine de du tweet se présente comme un fidèle supporter de Trump. Et la récente présence d’Elon Musk, patron de X, à un meeting de Donald Trump en Pennsylvanie ne fait que renforcer l’idée que la plateforme est devenue un instrument de pouvoir au service de ses idées, désormais officiellement trumpistes. Comme le souligne Le Monde dans un article intitulé “Elon Musk, acteur politique de la droite extrême, puissance X”.

Beyoncé, elle a déjà été la cible des idées propagées par le mouvement Qanon. En 2020, KW Miller, candidat au Congrès américain et fervent partisan de Trump, assure sur Twitter que Beyoncé mentirait au sujet de son identité. Elle ne serait pas afro-américaine mais italienne, et appartiendrait à une secte satanique. Allant jusqu’à accuser la star d’utiliser ses chansons pour avouer sa soumission.

Le morceau “Formation” sorti en 2016, contiendrait selon l’homme politique, un “message codé” dans lequel Beyoncé clamerait“clairement qu’elle était démoniaque et qu’elle vouait un culte aux églises sataniques de l’Alabama et de la Louisiane”. Quelques tweets plus tard le même jour, il met en garde le couple Jay-Z-Beyoncé. “Leurs secrets doivent être révélés” écrit-il avant que son compte ne soit suspendu. À cette salve numérique il y ajoute les hashtag #Qanon ainsi que les initiales du slogan de ce groupe complotiste #WWG1GWA pour “Where we go on, go we all”.

Alors qu’a-t-il pris à Donald Trump d’utiliser cet été le hit “Freedom” de Beyoncé pour une de ses vidéos de campagne ? Fin août dernier le nouvel aspirant à la Maison Blanche se met en scène à la sortie d’un avion sur la célèbre chanson de Queen Bey. Réponse immédiate de l’artiste : l’envoi d’une ordonnance de cessation et d’abstention à l’équipe de campagne de Trump qui retire alors sa vidéo des réseaux sociaux. Un choix qui s’apparente plus à une forme de troll de la part de Trump envers sa rivale Kamala Harris dont “Freedom” est le titre officiel de sa campagne. Le tout après avoir reçu, elle, l’autorisation de Beyoncé.

En 2016 Trump s’en était pris au duo après leur apparition à un meeting de soutien envers Hillary Clinton en Floride. Il commentait leur présence en ces termes : “Personne ne va à ses rassemblements (à Hillary Clinton, ndlr). Elle a donc fait venir Jay Z et Beyoncé, et le langage qu’ils ont utilisé était si mauvais. Ils parlaient ou chantaient leurs paroles ? (…) mais le langage était si mauvais que beaucoup de gens sont partis. Quand Hillary s’est levée, il n’y avait plus personne”.

Un power couple au service du mal

Ces accusations en tout genre ne se limitent pas à l’outre-Atlantique. En ce début octobre, sur le plateau du célèbre présentateur britannique Piers Morgan et de son émission “Uncensored” diffusée sur Youtube, elles vont prendre une tournure inédite. Jaguar Wright révélée par le groupe The Roots puis devenue un temps choriste pour Jay-Z, assure que le couple superstar est “pire que Diddy”. Selon elle, “c’est un méchant petit couple. Ils font des choses dégoûtantes. Comme garder les gens contre leur gré, les mettre dans des avions alors qu’ils sont inconscients, tout comme Aaliyah”. Dans d’autres vidéos, Wright insinue que Jay-Z aurait gagné beaucoup d’argent grâce à la mort d’Aaliyah. Et si Wright n’a pas publiquement affirmé suivre le mouvement Qanon, elle annonçait récemment son soutien à Trump “qui dit la vérité mais que personne n’écoute”. Une réthorique souvent reprise par les adeptes de la mouvance.

Face à ces allégations, le couple Beyoncé-Jay-Z a choisi de réagir par la voix de leur avocat, qualifiant ces accusations de “totalement fausses” et sans aucun “fondement factuel”. Piers Morgan présentera ses excuses dans la foulée, précisant que l’interview de Juagar Wright avait été retirée de sa vidéo Youtube. “Le montage des interviews n’est pas une chose que nous faisons à la légère dans une émission intitulée Uncensored. Mais nous sommes également soumis à des limites légales. Et nous présentons nos excuses à Jay-Z et Beyoncé“.

Illuminati et sorcellerie

Le couple n’est pas étranger aux allégations frisant avec le démon. Les deux américains ont souvent été accusés de faire de la magie noire, d’appartenir aux Illuminatis. Une “théorie qui inclut souvent des symboles ésotériques que les conspirationnistes croient voir dans ses clips, ses performances ou ses tenues (comme l’œil d’Horus ou des triangles, perçus comme des symboles occultes)”, nous explique la journaliste et auteur Christelle Murhula. Pour cette spécialiste des évolutions sociétales dans la culture et les arts, Beyoncé fait partie de ces figures publiques qui lorsqu’elles “atteignent un statut mondial et exercent une grande influence, sont souvent perçues comme ayant des pouvoirs hors du commun”. Beyoncé est “une icône de puissance, de succès, et d’indépendance, ce qui pousse certains à associer sa réussite fulgurante à des forces surnaturelles : elle aurait forcément usé de sorcellerie pour réussir. Alors qu’en réalité, elle a simplement compris dans quel système capitaliste nous vivons“. 

À gauche, image tirée du visual album Black is King – À droite, l’affiche officielle de la tournée de Jay-Z et Beyoncé en 2018

Alors si Beyoncé et Jay-Z posent sur un scooter orné d’une crâne de zébu pour annoncer leur tournée commune en 2018, ils n’en ont pas pour autant tuer l’animal avant de boire son sang. Le duo avait choisi d’utiliser l’Afrique comme moodboard de leur ‘On The Run Tour II’. Deux ans plus tôt encore, Beyoncé avait déjà choisi de se reconnecter à ses racines africaines à travers son album “Lemonade”. Dans cet opus elle “fait référence à sa foi chrétienne, à sa spiritualité, et à son enracinement dans la culture africaine, ce qui contraste avec les accusations de satanisme. Elle y célèbre également ses racines et sa culture de manière ouverte et fière, ce qui peut être perçu comme une manière de rejeter les critiques sur son implication dans des pratiques occultes”, poursuit Christelle Murhula.

Seule réponse de la principale intéressée sur ces histoires de sorcières : une phrase posée dès le premier titre de “Lemonade”.“Y’all haters corny with that Illuminati mess”, à traduire par:“Vous êtes ridicules avec vos histoires d’Illuminati”. Dans le morceau ‘Formation’, la star pourtant si discrète sur sa vie privée, choisissait de répondre de manière publique et personnelle aux théories du complot. Une seule et bonne fois pour toute ?

10 octobre 2024

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