Lena Situations, Noholita, Caroline Receveur, Alexandra Guerain et bien d’autres ont voulu passer d’égéries à designeuses. Plus souvent à tort qu’à raison.
Dans le parcours type d’une influenceuse telle que Lena Situations ou Noholita, créer sa propre marque de prêt-à-porter est souvent considéré comme une consécration. Passer d’égérie à véritable créatrice de vêtements semble souvent le parcours logique pour ces femmes habituées à être utilisée par les marques et qui décèlent parfois certains manques dans le milieu du textile. Mais comme les grandes maisons, ces influenceuses doivent répondre à l’ère du temps et aux désirs de la Gen Z, leur cible le plus souvent, avide de pièces à la fois durables et éthiques, le tout sans forcément devoir casser sa tirelire. Un pari que s’est lancé la poignée d’influenceuses que nous avons étudié ci-dessous et dont les communautés sur Instagram s’élèvent à des centaines de milliers voire des millions d’utilisateur.rices. Mais si leurs followers, se présentent de prime abord comme une clientèle tout trouvé, ils peuvent aussi s’avérer de redoutables jurés. Entre accusations de plagiat, dropshipping, et manque d’inclusivité ou encore prix trop élevés pour une qualité jugée moindre, rien ne passe inaperçu sur internet. Alors que valent vraiment ces labels prêt-à-porter d’influenceuses qui ne cessent de fleurir chaque année ?
La nouvelle qui fait plouf : Hôtel Mahfouf de Lena Situations
Le 2 août dernier, la youtubeuse Lena Situations inaugurait en plein coeur du 17ème arrondissement de Paris le nouveau concept store de sa marque Hôtel Mahfouf. Lancé officiellement le 27 juin, le label de l’influenceuse âgée de 24 ans propose des objets lifestyle ainsi que des vêtements inspirés du loungewear produits en Europe dans un soucis d’éthique et de durabilité. Cependant les prix de certaines pièces comme la combinaison à 179 euros ont fait réagir les internautes sur Twitter. Quand certains pointent du doigt l’inaccessibilité de sa gamme de vêtements en raison des prix trop élevés pour des pièce basiques, d’autres défendent la qualité du processus de production de la marque justifiant les prix. On notera qu’il ne suffit pas de porter des fringues de designers pour proposer des pièces un peu plus recherchées que ce qui se trouvent déjà sur le marché. Pour la créativité il faudra repasser mais pas par l’Hotel Mahfouf.
La note : 6/10
Design/créativité : 1/10 – Très basique, déjà vu, semblable à du merch.
Éco-responsabilité : 6/10 – Fabrication européenne et française. Pas de matériaux recyclés. Transparence sur le lieu de production de chaque pièce indiqué directement sur le site internet.
Inclusivité : 10/10 – Modèles allant du 2XS au 3XL et unisexe.
Rapport qualité/prix : 7/10 – Prix en adéquation avec la qualité des produits. Prix légèrement élevés pour de l’ultra basique.
La déjà vu mais bien faite : RECC de Caroline Receveur
En mars 2019 Caroline Receveur dévoilait la toute première collection de sa marque RECC. Inspirée de son propre look, le label de l’ancienne candidate de télé-réalité se situe à mi-chemin entre influences rock et coupes glamour, et promet des collections capsules tous les deux mois dans le but d’être constamment inscrite dans les tendances. Côté production, les pièces sont fabriquées pour la plupart en France dans des ateliers parisiens comme le précise la marque sur son e-shop. Ce qui lui a d’ailleurs valu les remarques de ses fans jugeant les prix trop élevés. Mais lorsque l’on navigue sur les fiches produits, on trouve des pièces fabriquées en Chine comme la robe en crochet issue de sa dernière collection ou en Turquie comme une de ses vestes en jean. Il faudra donc étudier la fiche de chaque pièce. Au delà du porte-monnaie, certains internautes dénonçaient dès 2020 le cruel manque d’inclusivité en termes de tailles, ces dernières n’étant disponibles que de la taille 34 à la taille 42 qui correspond à un L. C’est toujours le cas en 2022.
La note : 5,5/10
Design/créativité : 6/10 – Les pièces sont bien imaginées sans être innovantes. RECC copie des tendances plus qu’elle n’en lance.
Éco-responsabilité : 6/10 – Pièces annoncées comme fabriquées pour la plupart en France dans le « À propos du site » sans préciser que certains produits viennent de Chine ou de Turquie. Pas de matières durables annoncées et on est loin de la vraie slow fashion avec une collection tous les 2 mois. Mais était-ce vraiment le but ?
Inclusivité : 4/10 – Quand on s’arrête au L, on a déjà tout dit.
Rapport qualité/prix : 6/10 – Certaines pièces pourront paraitre chères notamment celles fabriquées en Chine mais prix justifiable pour les pièces produites en France.
La plus accusée de plagiat : NHLT de Noholita
Tout en haut du podium des marques d’influenceuses les plus controversées se place celle de Noholita et de son associée Audrey Lieutaud. La marque co-fondée par les deux femmes propose des maillots de bain et vêtements d’été mais également des trenchs et accessoires, tous fabriqués au Portugal. Mais en avril 2021, cette dernière a fait l’objet d’accusations de plagiat après avoir dévoilé un crop-top à armatures apparentes vendu à 69 euros et reprenant exactement la même esthétique qu’un produit de la marque américaine de la créatrice Alana Johnson, Orseund Iris. Sur Twitter, les réactions ne se sont pas faites attendre, certains signalant également la dichotomie entre les prix affichés et les nombreuses marques de fast-fashion à petits prix avec lesquelles Noholita collabore. La marque a également été accusée d’effacer les avis négatifs sur son site et sur les réseaux sociaux.
La note : 4/10
Design/créativité : 3/10 – Vous aurez déjà vu les pièces de NHLT quelque part.
Éco-responsabilité : 5/10 – Impossible de trouver sur le site où sont fabriquées les pièces. Dans une interview de 2021 Noholita précise que « quasiment l’intégralité de la collection est fabriquée au Portugal. On a fait au mieux. Quand il ne savait pas fabriquer certaines pièces on les a faites ailleurs ». Impossible de savoir pour l’acheteur d’où provient les pièces lors de l’achat. Tous les maillots de bain sont eux fabriqués à partir de tissus recyclés, certifiés OEKO-TEX® comme le précise la marque dans chaque fiche produit.
Inclusivité : 4/10 – Tailles allant du XS au XXL et pourtant patatra. Sur le site de la marque et sur Instagram les pièces ne sont montrées que quasi exclusivement sur Noholita elle-même qui avoisine un 34/36. On repassera pour la diversité des profils.
Rapport qualité/prix : En raison de la dernière phrase du paragraphe ci-dessus nous n’avons pas pu faire une analyse approfondie et neutre des avis laissés.
À gauche : un top de la marque américaine Orseund Iris
— ANCRÉ (@ancremagazine) April 30, 2021
À droite : un top de la nouvelle marque de Noholita
Les accusations de plagiat envers la marque de l’influenceuse française fusent >> https://t.co/EAYu7mvvSV pic.twitter.com/JOFPHEURIM
La plus hype : Musier d’Anne-Laure Mais
Dans le flot de polémiques relatives aux marques d’influenceuses, celle d’Anne-Laure Mais se tient en revanche loin de tout ça. En mars 2018, l’ancienne bloggueuse mode lance sa propre marque Musier dans le but de lier féminité et confort tout en restant dans l’ère du temps. Pari réussi pour la jeune maman basée entre Paris et Bordeaux qui imagine des collections intemporelles, éco-responsables et produites à 70% en France et qui aura d’ailleurs tapé dans l’oeil de la trendsetteuse Bella Hadid. La marque née sur le digital est vendue depuis 2020 au Printemps Haussmann et aux Galeries Lafayette Champs-Elysées. Parmi les best-sellers de Musier qu’Instagram s’arrache, les escarpins « babies » ou encore la jupe mi-longue « Romane » satinée s’inscrivant parfaitement dans la tendance du string ficelle apparent.
La note : 7,75/10
Design/créativité : 10/10 – Épurée, minimaliste tendance. En accord avec son ADN.
Éco-responsabilité : 9/10 – Fabrication pour la plupart locale dans des ateliers parisiens. Fibres naturelles et matières et fils provenant de surplus. Packaging recyclé.
Inclusivité : 4/10 – Tailles allant du 34 au 42. Maillots de bain ne dépassant pas la taille M.
Rapport qualité/prix : 8/10 – Prix globalement justifiés pour la qualité du design et des produits.
La plus « bobo » : Rouje de Jeanne Damas
En 2016, Jeanne Damas alors blogueuse mode et désormais suivie par plus de 1,5 millions d’abonnés sur Instagram, créait Rouje. Et s’il faut retenir une succes story parmi le panel de marques d’influenceuses présentées ici, c’est bien celle-ci. Rouje est née de l’envie d’imaginer des pièces féminines éthiques, éco-responsables et mêlant un univers glamour et romantique à quelques touches rétro. Sur son site, la marque joue d’ailleurs la carte de la transparence concernant sa dernière collection printemps-été en divulguant chaque pourcentage en terme de choix des matières et de lieux de production. Une boutique-restaurant à Paris, près de 17 millions de chiffre d’affaire en 2021 et une branche cosmétique plus tard, Rouje est devenue en cinq ans une référence pour les adeptes de mode chic et bobo parisienne. Mais seulement deux ans après son lancement, la marque s’est retrouvée au coeur d’une polémique relatée par le Nouvel Obs et pointant du doigts le choix des tailles extrêmement restreint. Ce dernier s’étalant à l’époque entre la taille 34 et 40 seulement. Aujourd’hui, la marque propose ses fameuses robes porte-feuilles fleuries dans des tailles allant jusqu’au 44.
La note : 7/10
Design/créativité : 8/10 – Label créatif qui a su se démarquer par son ADN bien défini de la Parisienne et française bohème chic.
Éco-responsabilité : 8/10 – Majorité de matières éco-responsables et labelisées « 91% de production européennne ».
Inclusivité : 5/10 – Tailles allant du 34 au 44 mais sur Instagram les modèles mis en avant sont plutôt longilignes.
Rapport qualité/prix : 7/10 – Élevé pour certaines pièces basiques mais globalement justifié par la qualité.
La plus écolo : Rusmin par Rubi Pigeon
Côté slow fashion, certaines influenceuses ont également souhaité ajouter leur pierre à l’édifice. C’est le cas de la parisienne Rubi Pigeon qui a fondé aux côtés de sa soeur Rusmin, une marque hybride basée sur l’upcycling. Une méthode de recyclage qu’elle partage régulièrement sur son compte Instagram personnel à travers des tutos vidéos. Le jeune label utilise des tissus provenant de stocks dormants ainsi que des matières recyclées pour créer des modèles à la fois épurés et inspirés de la mode Y2K. Les prix quant à eux vont de 55 euros pour un débardeur à 130 euros pour un ensemble. Un combo qui plaît à sa communauté de 17 000 abonnées sur Instagram et qui ne cessent de partager ses retours positifs.
La note : 8,25/10
Design/créativité : 7/10 – Tendance (Y2K) Épuré, minimaliste mais un peu simple.
Éco-responsabilité : 10/10 – Pièces upcyclés produites à la commande localement à partir de deadstocks.
Inclusivité : 8/10 – Pièces allant du XS au XL mais extensibles.
Rapport qualité/prix : 8/10 – Raisonnable.
L’autre écolo : Ryfas par Rosa Bonheur
Il se pourrait bien que la toute nouvelle marque de Rosa Bonheur, influenceuse mode adepte de seconde main, s’apparente au match parfait pour la Gen Z qui souhaite consommer durablement mais avec un style Y2K. Et pour son premier drop sous sa nouvelle marque, l’influenceuse lilloise s’est attaquée à une des tendance Y2K revenue sur le devant de la scène : les pantalons parachutes. Disponibles en coloris bleu, kaki et crème, tout comme les corsets, ils sont conçus par les couturières de l’atelier lillois Fou de coudre de Lille et composés de tissus issus d’une fin de stock datant des années 80. L’adepte des transformations de vêtements anciens en pièces tendances et sexy prouve une fois de plus que l’upcycling et la mode des temps modernes ne font plus qu’un.
La note : Nous avons décidé de ne pas noter Ryfas qui n’a fait pour l’instant qu’un seule drop. Mais nous tenions à la représenter ici.
La plus anecdotique : Alexandra Guerain et sa marque pour enfants
À la différence de celles qui créent une marque s’adressant directement à sa communauté, la blogueuse mode Alexandra Guerain de son côté a choisi de viser les plus petits. La jeune maman d’une petite fille a lancé OHAKIDS après avoir été confrontée à un manque de choix de pièces pour enfants minimaliste et sans artifices sur le marché. Sa marque propose ainsi des pièces unisexes, chose encore rare chez les bambins, ainsi que des coupes streetwear directement inspirées de son propre dressing. En défilant son catalogue, on tombe sur de l’ultra-basique comme des sweats et jogging unis, un bomber noir, ou un cargo militaire. Et si c’était surement l’effet escompté ce vestiaire minimaliste, on se demande tout de même à quoi bon. Tout comme avec Léna Situations, il ne suffit pas de porter des fringues de designers pour être designeuse. Côté prix en revanche Guerain peut s targuer de s’aligner avec des marques comme Kiabi avec des étiquettes raisonnables allant entre 15 et 30 euros. Côté production, aucune information au sujet de ses engagements excepté une simple promesse de durabilité, allant « à contre courant de la fast-fashion » comme lit-on sur son site. Voilà.
La note : 5,5/10
Design/créativité : 3/10 – Trop basique, peu de choix de couleurs. Seulement une pièce se démarque : l’ensemble tie and dye.
Éco-responsabilité : 5/10 – Pas de visibilité précise sur la provenance de ses pièces. Elle mentionne seulement une production européenne sur son Instagram. Pas très pratique pour l’acheteur.
Inclusivité : 8/10 – S’adresse à des enfants entre 2 et 5 ans et gamme unisexe.
Rapport qualité/prix : 6/10 – Prix abordables mais aucune plus value artistique. Pourquoi ne pas aller chez Kiabi sans passer par la livraison ?
Celle qui n’existe plus : DADOLLInc par The Doll Beauty
Du haut de ses 3 millions d’abonnés sur Instagram, Maroua surnommée The Doll Beauty sur le web et suivis pour ses conseils make-up, a lancé une première marque en 2019 avant de mettre la clé sous la porte pour en lancer une nouvelle en mai 2021. Celles et ceux qui s’attendaient à une marque de maquillage comme l’ont déjà fait ses consoeurs Sananas et Gaëlle Garcia Diaz ont été légèrement surpris. DaDollInc propose en fait du prêt-à-porter, principalement des ensembles de blazer, joggings ainsi qu’un t-shirt façon corset et une chemise unie brandée. L’ADN de la marque de la jeune femme d’origine algérienne gravite autour de la notion de girl boss. Mais ses basiques un peu trop basiques n’ont pas réussi à pérenniser la marque, le site étant totalement désactivé aujourd’hui. Et sur le compte Instagram qui n’a rien posté depuis plus d’un an, certaines se plaignent de ne jamais avoir reçu leur commande. « Une boss, au minimum maintient son business…ton truc ne tient plus », écrit une internaute. Aucune annonce n’a été faite par l’influenceuse au sujet de la fin de sa marque.
La note : 0
17 août 2022