Et quelle est leur place dans la communication lifestyle du PSG ? On est allés poser ces questions à Fabien Allègre, Directeur du développement de la marque Paris Saint-Germain.
Depuis plusieurs années maintenant, le PSG a choisi d’injecter une bonne dose de mode à son ADN. Un travail d’image et de collaborations qui est supervisé et enclenché par Fabien Allègre, Directeur du développement de la marque Paris Saint-Germain et ses équipes. Et si les collabs en tout genre se multiplient pour le club de la capitale, la dernière en date une fusion avec le label québécois 3.PARADIS, on s’est demandées quelle était l’offre réservée aux femmes dans un monde où l’inclusivité dans le sport et la mode prend de plus en plus ses quartiers. La tendance de l’unisexe a envahi les podiums des Fashion Week mais aussi les boutiques retail, au point de ne plus différencier certains produits. Chez ANCRÉ on s’interroge. Si on prône la démocratisation d’un vestiaire féminin inclusif, streetwear et workwear, on attend aussi des marques qu’elles pensent spécialement des produits pour les femmes infusés de toutes ces esthétiques. Alors ce bikini PSG en maillots upcyclés il arrive quand ?
ANCRÉ : Dans un premier temps, pouvez-vous nous présenter votre poste au sein du PSG. Quelles sont vos missions ?
Fabien Allègre : Je suis directeur de la marque PSG. Ce qui englobe plusieurs territoires comme la partie retail (en magasin), e-commerce, les académies, l’e-sport, l’ensemble des programmes de licence et des collaborations avec les autres marques. Mais aussi la direction de la marque au sens institutionnel. On cherche par exemple à trouver des sources de financement pour la Fondation Paris Saint-Germain en gardant ce coté agile qui nous caractérise. En liant la mode mais aussi l’art avec des produits mis en vente au profit de la Fondation. Comme avec l’artiste VHILS qui a redonné vie à des sièges du Parc des Princes.
Si on se rencontre aujourd’hui c’est pour parler plus particulièrement des femmes. Quelle est leur place au sein de la communication du PSG ? Il y a deux piliers on imagine : les clientes et les joueuses.
Dès le démarrage elles avaient toute la place, ensuite ça reste une construction dans le temps et le Paris Saint-Germain reste avant tout un club de sport. Donc le premier signal envoyé par le Président c’était de constituer cette équipe professionnelle de football féminin. De là on commence à travailler plus en profondeur d’un point de vue produit et d’un point de vue vision. La relation avec nos fans ne se résume pas à une simple augmentation des ventes sur les produits féminins. Ça n’aurait pas de sens. On souhaite construire une relation sur le long terme avec cette audience et en déchiffrer les codes.
Votre stratégie pour toucher les femmes elle passe donc essentiellement par les joueuses ? Parce qu’il est vrai qu’on identifie un peu moins les joueuses encore, face au football masculin où les personnalités sont peut-être plus fortes en dehors du terrain.
Il y a peut-être moins cette approche de « joueur icône » chez les femmes, c’est peut être plus présent chez les hommes pour le moment, mais globalement certaines grandes joueuses, et on a eu la chance d’en avoir au PSG, je pense notamment à Marie-Antoinette Katoto, cochent toutes les cases des valeurs que l’on défend et qui ont été les piliers du projet de la marque. L’éthique, l’esthétisme, c’est important d’avoir le pan féminin qui s’exprime sur ça sur le terrain et en dehors. Si vous regardez l’une nos premières collaborations qui a fait beaucoup de bruit c’était celle réalisée avec Koché. On ne l’a pas faite non plus par hasard. C’était une volonté de notre part d’attaquer, non pas la mode ou la couture, mais d’avoir la vision d’une designeuse sur un défilé femme dans un univers footbalistique.
Vous l’avez dit, la collab avec Koché avait été largement saluée par la mode mais aussi le grand public, tout genre confondu. Mais on a aussi l’impression que le PSG n’a pas réussi à retrouver ce momentum sur d’autres collections dédiées aux femmes. Comment le club peut-il réussir à renouveler cet engouement ?
On a la chance d’avoir Nike et Jordan qui ont le même objectif, d’attirer encore plus de femmes d’un point de vue consommation, et on a réussi à élargir nos gammes de produits avec eux. Ce qui n’était pas du tout gagné au démarrage. Aujourd’hui la part des produits que l’on vend à destination des femmes représente un peu moins de 5%. Ça peut paraitre peu mais c’est déjà un pas, on partait de zéro. Mais pour moi la question qui se pose aujourd’hui c’est comment on peut embarquer encore plus les femmes sur le terrain du foot mais aussi sur celui du lifestyle dans sa globalité, pas simplement la mode. Le dernier moove qu’on a pu faire avec l’ouverture de la suite de notre expérience en boutique sur les Champs-Elysées, est un exemple de cette volonté d’être un club lifestyle, pas uniquement mode.
Vous y vendez des boissons énergisantes c’est bien ça ?
En collaboration avec la marque française Wild & The Moon. C’est une volonté de notre part de travailler sur cette verticale nutrition que vous n’avions pas encore abordé. Nous sommes un club de sport avant tout, et la nutrition est un élément essentiel pour les athlètes de très haut niveau. C’est aussi dans notre rôle de donner des indicateurs nutritionnels à nos fans, et montrer que le PSG sait aussi décoder ce qui se passe aujourd’hui dans les volontés alimentaires des gens. Et je ne met pas le coté vegan en avant de cette collaboration, mais bien le pressage à froid, pas de sucre ajouté, de cette boisson. En résumé le PSG a la volonté d’offrir une nourriture saine dans un corps sain. Et avec ça on a un coeur de cible un peu plus féminin que masculin.
Cette boutique elle pourrait à termes proposer des cours de fitness par exemple ? Si on se base sur votre envie de montrer votre savoir-faire sur le côté sportif.
Depuis cinq/six ans on a eu des offres et des propositions pour faire un concept de PSG café, plutôt dans une ambiance sport bar. Et à destination encore une fois à une clientèle plutôt masculine. On a préféré prendre le temps, ne pas sauter sur ce développement, ça fait aussi partie de notre réflexion pour aller chercher plus de femmes. On doit plutôt s’associer à une marque qui de façon native, est plus féminine que masculine. D’où Wild & The Moon. On séduira aussi encore plus les femmes quand on aura une terrasse pour pouvoir déjeuner, prendre un café. Et ensuite ça relève de notre capacité à créer avec le corps médical du PSG, des recettes qui conviendront à notre équipe masculine et féminine en termes de goûts et de types de repas. Ça va prendre du temps mais on a toujours construit la marque sur la durée.
Récemment vous avez dit : « Ce qui intéresse aussi nos fans, c’est un mélange de musique, d’art et de mode ». Trois catégories qui intéressent particulièrement les femmes, mais on n’arrive pas encore à lire la stratégie du PSG pour les enrôler sur ces sujets. Est-ce que c’est quelque chose que vous souhaitez développer pour elles ?
On a des choses qui vont arriver mais est-ce que c’est à la hauteur des attentes des femmes ? Je ne sais pas. Je pense ces catégories que vous avez citées, sans genre, même si oui certaines couleurs musicales vont peut-être davantage plaire aux hommes. Mais d’abord au PSG on pose les bases et ensuite on vient travailler autour, de façon chirurgicale à l’intérieur même des catégories. On ne fera pas « pour faire ». Avec dix ans de recul maintenant on peut se permettre d’aller plus en profondeur avec des coeurs de cibles plus identifés.
Ce n’est pas une réponse précise ça (rires).
Alors on va avoir une collaboration qui va sortir dans quelques temps et par nature plutôt à destination des femmes avec un grand designer international.
En 2017 sur Europe 1 vous disiez ceci : « Se positionner sur ce marché n’a pas été la priorité première » car la gent féminine est « une population beaucoup plus exigeante (…) Cette exigence féminine nous astreint à ne faire aucune erreur, ou le moins possible. On y va en toute humilité ». Comment on évite les erreurs du coup au PSG ?
Déjà en s’étant attaché à avoir plus de femmes au sein même du club et de l’entreprise. En restant aussi à leur écoute quelque soit leur âges ou origines. On a la chance d’avoir des académies PSG dans 15 pays. On a environ 20 000 enfants qui toutes les semaines pratiquent un football avec la méthodologie du Paris Saint-Germain. Et depuis quatre ans maintenant, nos partenaires dans les différents pays ont créé des sessions d’entraînement entre filles. Pour suivre la logique du club, avec l’équipe féminine et l’équipe masculine. Ça nous permet aussi de décoder les retours d’expériences de nos académiciennes et leurs idées. On va puiser là, on lit aussi beaucoup, et on essaie aussi à l’inverse de ramener des couleurs féminines dans le monde masculin. On a fait une collection Paname rose et noir, un maillot rose et noir.
Vos partenariats mode avec Jordan, Levi’s, Replay proposent des coupes très masculines. Sauf une sortie l’année dernière avec le Jumpman où des ensembles de type soie avaient vu le jour. On était sorti du combo jogging, pull. Mais au final est-ce que ça rapporte vraiment au PSG de vendre des produits féminins ?
C’est créateur de valeurs dans tous les cas de figure. Le tout c’est d’arriver à cadrer la quantité de produits, la largeur de la gamme en fonction aussi de ce qui a marché ou pas l’année d’avant. Cette analyse nous aide à trouver en quelque sorte le standard, ou en tout cas ce qui colle à l’instant au besoin et à la vision des femmes sur nos produits. Et c’est un véritable challenge parce qu’on a des délais de production très longs. Il faut environ deux ans pour imaginer et créé, c’est le temps minimum dont on a besoin pour poser les bases d’une collection future.
Est-ce que vous avez envie d’aller chercher des marques féminines pour des collaborations, qui pourront davantage être expertes sur les femmes ?
Je pense qu’il ne faut pas oublier la période qu’on vient de passer. Il n’y avait plus vraiment de genre, ni de distinction dans le vestiaire d’un ado ou d’une ado. On arrive à la fin d’un cycle, ça ne veut pas dire que chacun va reprendre son style, il y aura toujours des points communs. Mais là où on doit rester vigilant, c’est sur notre maillot, en gardant toujours un fitting femme et un fitting homme. Ensuite à nous d’être assez agile pour trouver les designers ou designeuses qui seront légitimes pour aller chercher les femmes dans ce nouveau chapitre de la mode. C’est l’objectif, d’ailleurs on a une collection qui va sortir en septembre, octobre avec Esteban Cortazar. Ses pièces ont un ADN un peu plus féminin justement.
Est-ce que séduire les femmes ça ne passe pas aussi par des petites choses, des pièces clés, un bikini PSG par exemple, qui mettrait moins de temps à sortir ?
On avait fait une collection avec Manish Arora dans ce sens.
C’était très rose quand même…
C’est là toute notre problématique. On fait des collaborations de niche qui ne parlent pas à tout le monde. Mais je n’ai pas de solutions sur ça en vérité, il y a pléthore de marques dans la mode féminine, c’est beaucoup plus segmenté que sur le masculin. Les sacs, les chaussures, les accessoires, les styles… Et donc pour nous il faut réussir à s’adresser à diverses audiences. Il a beaucoup de typologie de consommatrices. On n’arrivera pas à couvrir toutes les envies et tous les goûts c’est certain.
24 février 2022