Whitney Houston au Super Bowl, un moment historique pour les afro-américains

Dix ans après sa mort, ESPN consacre un documentaire à la prestation de la diva qui a cueilli tout un stade et une nation en 1991.

Alors que la finale du Super Bowl se tiendra le 14 février prochain outre-atlantique, la presse américaine ne cesse de se remémorer la prestation de Whitney Houston. Le 27 janvier 1991, alors que quelques jours plus tôt était lancée l’opération « Tempête du désert » visant à libérer le Koweit en proie aux ambitions territoriales de Saddam Hussein, la chanteuse se dresse au milieu du stade de Tampa en Floride. Vêtue d’un ensemble de survêtement blanc Le Coq Sportif, Nike Cortez aux pieds et un large bandeau dans les cheveux, Whitney Houston 27 ans entame « The Star Spangled Banner », l’hymne national des États-Unis, soutenue par le Florida Orchestra devant 73 813 fans et 115 millions de téléspectateurs. Si elle avait prévu une longue robe blanche pour sa prestation, les températures plus fraiches de cet hiver de 1991 l’inviteront à se vêtir de cette tenue sportive aux allures patriotiques.

Une nation sous tension

Alors que la Guerre du Golfe a débuté avec une coalition de vingt-huit nations, les États-Unis en tête, la voix de Houston vient éventrer un stade plein à craquer. Quelques minutes plus tôt la sécurité avait reçu pour ordre de fouiller chaque participant, s’assurant qu’aucun appareil photo n’était en réalité une bombe cachée. Aucune menace n’avait été particulièrement lancée, mais le contexte de guerre avait participé à tendre le climat. Les rumeurs annonçaient même une possible annulation du Super Bowl qui cette année là, voyait s’affronter les New York Giants vs. les Buffalo Bills.

« Si vous étiez là, vous pouviez ressentir l’intensité », se remémore Houston lors d’une interview en 2000 (post Instagram ci-après). « Nous étions dans la guerre du Golfe à l’époque. Ce fut une période intense pour notre pays. Beaucoup de nos filles et de nos fils ont combattu à l’étranger. Je pouvais voir dans le stade, je pouvais voir la peur, l’espoir, l’intensité, les prières monter », confie celle décédée en 2012. Ceux qui étaient présents bord terrain racontent que la moitié des joueurs étaient en larmes lors de la prestation de Whitney Houston.

Une hymne pour la liberté et les afro-américains

« J’avais lu un article dans le New Yorker sur cette performance. Elle a changé le « Star Spangled Banner » pour toujours, en faisant d’un hymne guerrier et martial une chanson pour la liberté à laquelle les Noirs américains, qui n’ont jamais voulu y être associés, pouvaient enfin s’identifier. Cela a profondément marqué la société à l’époque »., raconte dans les colonnes de Première le réalisateur Kevin MacDonald, auteur du documentaire Whitney sorti en 2018. Et qu’importe la légère polémique sur le fait qu’elle ait fait du playback (vrai), c’est sa façon bien à elle de prononcer le mot « free » dans la chanson qui fera basculer le stade.

Si cette version de l’hymne national reste l’une des plus emblématiques de l’histoire des États-Unis, Whitney Houston s’est en réalité inspirée de la version de Marvin Gaye chantée au NBA All-Star Game de 1983. La seule réinterprétation qu’elle aime dira la jeune femme à son chef d’orchestre et arrangeur de longue date Rickey Minor.

« La version de Houston n’était pas seulement une révolution dans la musique ; c’était une révolution de sens. Les Noirs américains se sont longtemps sentis ambivalents à propos de « The Star-Spangled Banner » », écrit la journaliste du New Yorker dans le fameux article cité plus haut par Kevin MacDonald. « Quand il y a eu besoin d’une chanson patriotique, les leaders noirs se sont plus souvent tournés vers « My Country, ‘Tis of Thee » ou « America the Beautiful », explique la journaliste. Des titres qui n’évoquent pas une particulière violence. « La machinerie de la violence d’État a trop souvent été utilisée contre les Noirs pour qu’une chanson sur les bombes et les roquettes ait beaucoup d’attrait. Mais Houston a inauguré un changement ». Une bascule qui fait l’objet d’un documentaire d’une demi-heure sur ESPN ce 11 février, dix ans après la mort de la chanteuse.

Photo de couverture : George Rose/Getty Images

11 février 2022

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