Alors que sort le film « House of Gucci », retour sur le meurtre d’un des plus célèbres héritiers de la mode.
Cela nous vous aura surement pas échappé, le film « House of Gucci » avec Lady Gaga, Adam Drivers, Jared Leto et Al Pacino entre autres, vient de rejoindre les salles obscures. Largement relayée par les médias mais aussi le grand public, cette nouvelle réalisation signée Ridley Scott a su gagner l’attention grâce à un casting 5 étoiles, mais aussi parce que l’histoire derrière « House of Gucci » est peu commune, passionnante, rocambolesque. Elle repose sur l’histoire vraie de Maurizio Gucci, petit fils du fondateur de la célèbre marque de luxe italienne, tué par son ex-femme Patrizia Reggiani en 1995. Un meurtre sur fond de jalousie, de vengeance et de gros sous.
Une enfance dorée
Maurizio est né en 1948 à Florence dans une famille déjà bien installée dans la mode. Patrizia Reggiani elle, a grandi dans l’une des banlieues les plus pauvres de Milan avec un père biologique aux abonnés absents. Sa mère, Silvana, fait la plonge dans un café de la Via Padova. Une vie modeste jusqu’à ce que la daronne épouse Ferdinando Reggiani, un riche entrepreneur. Patrizia va alors fréquenter la jeunesse dorée milanaise, gâtée par un beau père enclin à la chouchouter. Si l’argent ne manque pas, la future Madame Gucci n’est pas totalement validée par l’élite.« Patrizia avait de l’argent, mais elle n’a pas le statut. Il y a une différence entre ceux qui sont nés dans une famille riche et ceux qui ont encore un long chemin à parcourir avant d’être à la hauteur des attentes. Elle était l’une de ces personnes », explique la criminologiste Cristina Brondoni dans le documentaire ‘Lady Gucci: The Story of Patrizia Reggiani’ sorti cette année sur Amazon Prime. Une fracture qui pourra expliquer plus tard, le geste irréparable de celle qui se fait appeler « la veuve noire ».
La fast life pour l’héritier et la diva
Quand Patrizia rencontre Maurizio, ils ont tous les deux 22 ans. On est en 1970 et la jeune femme l’avoue, elle n’a pas le coup de foudre. « Je ne pensais pas grand-chose de lui au début. Il était juste le garçon silencieux dont les dents se chevauchaient », expliquait-elle au Guardian. Dans le documentaire d’Amazon Prime elle confie même qu’elle ne misait pas beaucoup sur le jeune homme lors de leur première rencontre : « J’étais venue avec un autre homme dans une Porsche. Parce qu’il est arrivé dans une voiture plus petite. J’ai pris ma décision à son sujet : Cet homme est un perdant ». Mais c’était sans compter sur le charme et le porte-feuille de Maurizio qui lui propose rapidement de devenir Madame Gucci.
Malgré les réticences du père Rodolfo Gucci, qui voit en la future épouse de son fils disons le, une michtonneuse, le duo se marie en 1973 et devient le it-couple de l’Italie. Bien avant les Brangelina ou les Bennifer, Maurizio et Patrizia feront fusionner leurs deux noms en un seul, « Maurizia », qu’ils graveront sur la plaque de leur voiture avec chauffeur. Si Rodolfo n’a pas assisté au mariage de son fils, qualifiant même Patrizia d’une « grimpeuse sociale qui n’a en tête que l’argent », il leur achète un penthouse sur la Vème avenue de New York. En extase devant ses petites filles nées respectivement en 1976 et 1981, Rodolfo passe l’éponge. Le couple fréquente alors le gratin américain et donne de somptueuses fêtes où on y voit Jackie Kennedy. Quand ils quittent leur maison à Manhattan, Maurizio et Patricia se rendent dans leur chalet à Saint-Moritz ou dans leur maison à Acapulco. Leur yacht, Le Créole, les attend également dans le plus belles eaux du monde. Une vida loca qui va s’assombrir à la mort de Rodolfo Gucci en 1983.
Fuite en jet, divorce et kichta
Patrizia le remarque, son mari ne l’écoute plus.« Maurizio est devenu fou. Jusque-là, j’étais son conseiller en chef pour toutes les questions concernant Gucci. Mais il voulait être le meilleur, et il a arrêté de m’écouter », expliquera t-elle. C’en est trop pour Maurizio qui met les voiles en 1985, ou plutôt qui monte dans son jet privé et quitte Milan en direction de Florence pour un supposé voyage d’affaires. En réalité l’héritier de Gucci prend la fuite et envoie le lendemain un ami annoncer à Patrizia qu’il souhaite divorcer. Classe. Alors que sa vie privée se dégrade, sa vie professionnelle suit le même chemin. En 1993, après avoir provoqué une véritable guerre de clans, Maurizio cède ses actions au groupe d’investissement InvestCorp pour 120 millions de dollars. Patrizia fulmine. « J’étais en colère contre Maurizio à propos de beaucoup, beaucoup de choses à l’époque. Mais surtout cela : perdre l’affaire familiale, c’était stupide. C’était un échec. J’étais pleine de rage, mais je ne pouvais rien y faire. Il n’aurait pas dû me faire ça », expliquera celle qui voit son ex mari s’installer à Milan dès 1991 avec sa nouvelle compagne, une amie d’enfance de Maurizio, Paola Franchi.
En 1994, le divorce des époux Gucci est officiellement prononcé. Patrizia reçoit 2,5 millions d’euros et une pension alimentaire annuelle de 650 000 €, qu’elle compare alors à « un simple bol de lentilles ». Et franchement qui aime les lentilles ? Elle perd également le droit d’utiliser le nom de famille Gucci. Dans une interview avec La Republica, elle fera avec désinvolture un pied de nez à cette décision : « Je me sens toujours comme une Gucci, en fait, la plus Gucci de tous. ». Et c’est ce sentiment d’appartenance ultra fort qui va la pousser à commettre l’irréparable.
Le crime presque parfait
Le 27 mars 1995 à 8h30 Maurizio Gucci est abattu de quatre balles sur le perron de ses bureaux à Milan. Trois dans le dos, une dans la tête. Patrizia s’empresse alors de virer la nouvelle compagne de Maurizio de leur appartement et vient s’y installer avec ses deux filles. Si les premiers soupçons se portent sur l’ex femme de l’héritier, faute de preuve elle n’est jamais arrêtée. Il faudra attendre deux ans pour que la police confronte enfin la veuve noire. Le tireur s’est vanté de son coup auprès d’un tiers qui prévient la police. Patrizia et ses complices sont alors mis sur écoute et tombent dans les mailles du filet des autorités italiennes. L’une de ses proches, la cartomancienne napolitaine Pina Auriemma et le tueur, Benedetto Ceraulo sont aussi arrêtés le 31 janvier 1997. Sur l’agenda de Patrizia, les enquêteurs découvriront qu’elle avait inscrit à la date du meurtre le mot « Paradis ».
Un furet comme co-détenu
Le procès commence à Milan en juin 1998 et Patrizia clame son innocence, sa tumeur au cerveau lui aurait fait perdre la raison. Si elle n’a pas voulu tuer son ex-mari, elle avoue tout de même avoir versé 200 000 livres à son amie Pina Auriemma qui engagera un tueur à gages. Elle est condamnée à vingt-neuf ans de prison après cinq mois de procès. Une peine réduite à vingt-six ans, après un appel, en 2000. Dans le centre pénitentiaire de San Vittore à Milan, Patrizia veut continuer à être une femme de la haute. Elle paie d’autres prisonnières pour lui faire son ménage, et garde même avec elle un furet prénommé Bambi. Selon la légende, l’animal mourra sous les fesses d’un détenu. En 2011 pour alléger sa peine, la justice italienne lui propose de trouver un travail. Elle refuse. « Je n’ai jamais travaillé de ma vie, je ne vais pas commencer maintenant ». Elle change d’avis trois ans plus tard après avoir trouvé un poste de consultante chez Bozart, une marque de bijoux fantaisie.
Quand elle parle de ses années en prison, Patrizia l’évoque comme “son séjour dans la résidence Vittore”. Libérée en octobre 2016 après avoir passé 18 ans derrière les barreaux, elle s’offre immédiatement une virée shopping sur l’équivalent de l’avenue Montaigne à Milan. Interrogée par un journaliste sur les raisons qui l’ont poussé à engager un tueur à gage plutôt que de tuer elle même Maurizio elle répondra : « J’ai une mauvaise vue. J’avais peur de le rater ». À 72 ans aujourd’hui, elle n’a plus de contact avec ses filles qui se sont installées en Suisse. On la voit parfois se balader dans les rues de Milan avec un perroquet sur l’épaule.
No thoughts, just Patrizia Reggiani’s pet parrot pic.twitter.com/CtIFZM0Yxp
— The OG gargoyle😾😻😹⭐️ (@Gagascrime) March 10, 2021
25 novembre 2021