Est-ce que ça vaut le coup de travailler à la Fashion Week de Paris pour se faire de l’expérience ?

Étudiants ou Freelance ils nous racontent.

Crédit photo : Hanadi Mostefa

Paris peut se targuer d’accueillir la plus belle et prestigieuse des Fashion Week. L’occasion pour de nombreuses petites mains d’avoir une première expérience dans le domaine de la mode tant les petites annonces de jobs pullulent à cette période. Mais cela vaut-il vraiment le coup de plonger dans les coulisses d’un secteur qui exploite parfois des étudiants avides de nouveaux challenges ou tout simplement ultra motivés pour afficher une nouvelle ligne sur leur CV acceptant parfois même des stages qui sont en réalité des emplois déguisés.

Kiudee, manageur de danseur mannequins

Kiudee a 28 ans, elle est initialement journaliste spécialisée dans les danses hip-hop et urbaines, mais depuis 2 ans elle a co-fondé l’agence de consulting KÜD autour de l’univers de la danse qui produit des évènements et gère la carrière d’artistes-danseurs.

“Mon expérience en tant que manager d’artiste a commencé avec Louis Vuitton en 2020 lorsque mon artiste Rubix a défilé et dansé pour la Fashion Week Hommes. Depuis, on a travaillé chaque année avec Louis Vuitton – que ce soit sur des défilés comme des campagnes. Généralement, la rémunération varie entre 3000€ (défilé) et 5000€ (campagne) par personne. Ce qui reste très correct et avantageux pour mes artistes car à contrario des personnes qui sont uniquement mannequins, nous (agences/agents) ne prenons pas une commission haute : de 20% à 60% en agence mannequins, de 15% à 20% en agence pour danseurs.

Son rôle lors de la Fashion Week c’est : “proposer des artistes qui pourraient correspondre puis de m’assurer qu’ils soient valorisés à leur juste valeur. La raison d’être de mon agence est d’avoir peu d’artistes (moins de 10 – contrairement aux agences où ils sont 100-250) est d’apporter un accompagnement de carrière complet. Du coup, je veille à ce que l’aspect unique de chacun soit respecté. “

Il existe aussi certains inconvénients : “je parlerais de l’expérience pré-signature en agence de l’un de mes artistes qui, pour le même job, c’était vu proposer €300 pour défiler quand j’en avais reçu 10x plus juste en étant présente et capable de négocier pour un autre. Sans agent, on se fait facilement avoir. Toutefois, en-dehors de l’aspect financier qui peut, souvent, être tricky, la Fashion Week restent des évènements vraiment intéressants à vivre.

Katia, assistante logistique et installation au Salon Première Classe et Who’s Next

Katia a débuté son expérience par envie d’avoir un complément financier sans avoir d’attentes particulières : “Ce fut une belle surprise puisque j’y ai passé de très bons moments. Les clients étaient dans leur ensemble adorables et je n’ai pas vu les heures passer. J’ai eu la chance de découvrir une culture internationale du business, puisque les clients venaient du monde entier. C’était très enrichissant de comprendre comment chacun fonctionnait.

Néammoins, chaque expérience est différente : “j’ai pertinemment conscience en vue des autres échos reçus, que j’ai eu de la chance de pouvoir travailler avec autant de bienveillance. Pour la créatrice, il était hors de question que je vienne en tenue officielle/strict, très maquillée et en talons, en somme comme la plupart l’exigeait en temps normal. Ayant une maladie chronique me contraignant dans mon alimentation, elle a accepté de m’offrir un repas spécifique plus onéreux que les frais de bouche initialement prévu.”

En terme de contraintes : “je dirais que la plus difficile partie de ce travail était de rester longtemps debout, de toujours devoir être souriante malgré la fatigue et ne pas pouvoir manger lorsqu’on le souhaite mais au moment où aucun client ne passe plus commande. Il faut donc parfois attendre entre 15-16h pour commencer à déjeuner… et devoir s’arrêter subitement si un client arrive.”

Rania, habilleuse pour la marque Issa Miyake

Rania est souvent contactée par les marques pour être habilleuse lors de la Fashion Week via son école. Son expérience chez Issa Miyake est née grâce à ce processus : “Ils savent très bien qu’étant passionné de mode on va tout de suite dire oui. Du coup ils appellent ça des stages même si ce n’est que pour 1 journée cela leur permet de pas du tout nous payer et ils peuvent avoir jusqu’à 40 habilleurs gratuitement, c’est donc bénéfique pour eux. J’ai d’abord assisté aux entraînements dans le showroom, je devais m’entraîner à habiller mon futur mannequin et écrire tous les détails pour m’en souvenir le jour J (ourlet, ouverture de zip…). Personnellement même si je n’ai pas été payée j’ai adoré l’expérience cela nous permet de faire de belles rencontres et surtout d’avoir des contacts étant donné que dans le milieu de la mode c’est assez difficile, ce genre d’opportunités est donc à saisir. De plus, il y avait tout de pris en charge ,il y avait des vestiaires pour nos affaires et un buffet du traiteur.

Étudiante en mode, Rania a pu découvrir les backstage d’un milieu qu’elle veut intégrer : “Cela nous donne l’occasion de voir l’envers du décor ce qui est vraiment pas mal. Personnellement j’ai gardé contact avec plusieurs des mannequins ce qui peut servir étant donné que je suis en école de mode !”

Cindy, Stagiaire pour la maison Yiqing Yin

Cindy a réalisé un stage de deux mois pour la maison Yiqing Yin lors de sa 1ère année de BTS Design de Mode. “La semaine qui a précédé la Fashion Week, vu que je suis brodeuse, j’ai participé à la réalisation et au montage d’un manteau entièrement brodé à la main, un travail magnifique mais très long. Nous avons commencé à travailler sur la pièce une semaine avant le D-Day, les trois jours avant le défilé j’ai travaillé de 9h jusqu’à 3/4h du matin. La marque prenait grand soin de nous (nous étions 3 brodeuses) elle faisait attention à ce qu’on fasse des pauses, lèvent nos jambes (canicule écrasante cette année là), payait le dîner les taxis pour rentrer. C’était cependant la moindre des choses étant donné qu’aucune des stagiaires n’étaient rémunérées. – Son avis sur le jour J : L’effervescence du défilé, les coiffeurs, maquilleurs, photographes et journalistes tout va à mille à l’heure dans cette journée. Dans mes souvenirs, les coiffeurs n’étaient vraiment pas sympathiques, très dans le jugement, tout le monde vous toise. Arrive le défilé où tu as littéralement 18 secondes pour que la mannequin change sa tenue avant de hit le runway avec tout le monde autour de toi qui cours et s’agite, mais c’est ce qui fait la beauté du moment. Tu peux regarder le défilé par une télévision qui retransmet les images, cela dure très peu de temps comparé au temps que tu as passé sur les pièces mais c’est très émouvant.”

Kadi, habilleuse pour le designer Atil Kutoglu

Kadi a été habilleuse pour le designer Atil Kutoglo en 2015 lors de son défilé à l’ambassade de Turquie. C’était l’occasion pour elle de découvrir le milieu de la mode en tant que jeune étudiante : “J’entrais dans ce milieu que j’admirais mais je n’y connaissais rien et n’avais jamais eu l’occasion d’assister à un défilé de ma vie. Ce job était un accès encore plus privilégié, je me suis donc dis que j’allais saisir l’opportunité, malgré le fait que nous n’étions pas rémunérés pour les heures passées étant donné que nous étions étudiantes et que c’était sur la base du volontariat. La rémunération était immatérielle en fait, c’est juste de l’enrichissement d’expérience“. Selon elle : “il ne faut pas vraiment avoir une expérience significative pour réussir la mission, en revanche, je ne m’imaginais pas subir cette atmosphère de stress et je me suis aperçue qu’avoir les ongles longs pour ce poste est vraiment UNE BAD IDEA ! Et j’ai aussi réalisé à quel point il fallait être rapide et efficace ! Cela met une petite pression…”

Myriam, stagiaire en création de pièces et d’accessoires Swarovski

Myriam garde un souvenir très vif de sa particpation au défilé de Ludovic de Saint Sernin : “’J’étais en stage en création de pièces et accessoires Swarovski et en anneaux, ce sont des pièces qui demandent du temps à créer. Lors du défilé j’ai dû faire toutes les retouches de dernière minute sur les créations comme les ceintures et les chokers, coudre toutes les étiquettes à la main, préparer les looks de chaque mannequin et les aider à s’habiller. Ce fut le moment le plus stressant de ma vie. Le styliste et ses assistants me pressaient à finir plus vite. Littéralement jusqu’à la dernière seconde où j’ai agrandi une ceinture pour un mannequin spécifique pour qu’au final, elle porte cette fameuse ceinture à la main. J’en garde des bons souvenirs puisque même si c’était hyper stressant j’ai rencontré des personnes super qui nous encourageaient. 

Son meilleur souvenir : “Le meilleur restera quand j’ai habillé Sora Choi, de la voir porter des pièces que j’ai faites. De voir le défilé sur le retour d’écran aux côtés des collègues et de pleurer tous ensemble à la fin à cause de tout le stress et des nuits blanches accumulées.”

Anonyme, habilleuse pour Chanel

Je suis dans une agence d’hôtes et hôtesses depuis plusieurs années et j’ai pu assister à plusieurs défilés notamment Chanel, Louis Vuitton ou encore Jean Paul Gaultier. La marque pour laquelle je travaille le plus c’est Chanel, à chaque fois ça se déroule de la même manière : le 1er jour c’est la répétition et 2ème jour c’est le défilé. Pendant la répétition notre rôle consiste à faire les parcours des mannequins pour que les régisseurs sons et lumière puissent faire les réglages pour que le jour/j tout soit parfait et que les personnes en charge du show puisse vérifier que tout ce qu’ils ont imaginé fonctionne comme ils veulent. Cette journée est un peu sportive mais c’est toujours intéressant de pouvoir découvrir les décors avant tout le monde, et surtout c’est toujours impressionnant de voir le nombre de personnes et de corps de métiers différents sollicités pour un show de 20min. On dirait une fourmilière où chacun s’active à sa tâche pour que tout soit prêt à temps. 

Ces nombreuses expériences chez Chanel lui ont permis de se familiariser à l’environnement de travail : ” À force de travailler pour Chanel certaines personnes de la production nous reconnaissent et c’est très agréable ça humanise un petit peu plus le travail. Pour le coup on est toujours bien accueillis on nous distribue de l’eau etc…Après le jour du défilé c’est un autre rythme, il faut vraiment être sur le qui-vive parce que ça va très vite, et que Chanel demande une certaine rigueur et perfection comme toutes les maisons de haute couture. Il faut faire très attention à chaque pièce de la maison mais on se sent privilégiés de pouvoir voir et toucher des pièces de collection. On a en général une ou deux mannequins à habiller et elles ont 1 ou 2 passages, donc en fonction du rythme ça va plus ou moins vite et c’est plus ou moins stressant. Je n’ai personnellement jamais eu de problème avec les mannequins que j’ai habillés mais ça peut arriver que certaines soient un peu moins accueillantes mais ça reste des humaines elles sont fatiguées, parfois c’est pas le bon jour, donc on essaie que l’échange se passe au mieux et que le moment soit agréable pour elles comme pour nous !”

De manière générale, son expérience est positive : “On nous remercie toujours pour notre travail que ce soit les mannequins ou les équipes de Chanel, je n’ai jamais eu d’expérience ou je me suis sentie déshumanisée. Et surtout je ne suis jamais lassée de découvrir le nouvel univers créé pour la collection c’est toujours avec hâte que je vais travailler malgré le nombres de fois”

Sofiya, stagiaire dans un showroom

Pendant deux semaines la jeune femme a travaillé gratuitement dans ce qu’on appelle un showroom, autrement dit un vaste endroit où des marques présentent leurs collections aux acheteurs, parfois sur des portants, parfois en organisant des minis défilés au sein du showroom. “J’ai travaillé dans un showroom lors de la Fashion Week de Paris 2019 une expérience inattendue. J’ai été contactée sur fashion job je n’avais à l’époque aucune expérience dans la mode de près ou de loin. On m’a proposé d’effectuer deux semaines en stage dans un showroom et mes missions consistaient à gérer l’installation et l’habillage des mannequins. Si ça a été une expérience très intéressante, j’ai été frappé par l’objetisation des mannequins en tant que femme franchement ça m’a fait bizarre. La pudeur n’a clairement pas sa place. Met toi la, tourne toi, avance, recule… les mannequins dont de vraies pantins. J’ai conscience que pour elles c’est un travail mais ça m’a montré une facette de la mode que j’ai trouvé dérangeante. Je n’ai évidemment pas eu de rémunération, pas de pause déjeuner non plus. On mangeait debout dans les couloirs entre deux. C’était hyper intense mais je me suis dit que c’était un peu une expérience unique et que j’avais la « chance » de voir ce que c’était. La personne m’a proposé ça comme un stage non rémunéré, mais t’es pas en stage personne ne t’apprend, c’est un vrai travail dissimulé en quelque sorte”.

“Même si ça m’a fait une expérience significative dans le luxe, je pense que avec ou pas j’aurais quand même fait ce que je fais aujourd’hui (conseillère de vente chez Agnès b.) ça m’a surtout donné une autre vision du monde de la mode de façon personnelle”.

Jessica, habilleuse

“J’ai été habilleuse sur des défilés comme Chanel, Zuhair Murad, Elie Saab, Zadig & Voltaire… pendant toute ma période de fac et j’ai toujours été rémunérée. A l’époque j’étais embauchée par des agences d’hôtesses telles que Mahola, on était payées au smic mais c’était une expérience géniale que de pouvoir voir les backstages, et la saveur d’un défilé. Pour Chanel on défilait même à la place des mannequins avant le défilé le temps qu’elles finissent au make up et qu’ils règlent la musique sur nous. J’en garde un souvenir incroyable”.

13 juin 2023

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