Attention, ce qui vient sera lyrique, mielleux et insolent. Très algérien donc.
Ce mood là, sur la photo ci-dessous tirée du clip “Disco Maghreb” de Dj Snake, c’est une allégorie de l’Algérie, une arrogance vulgaire, une résilience insolente, un “niquez vous”. C’est une barbarie essentielle, un ricanement cynique, c’est le “oui et ?” de Louisa Yousfi et de son livre Rester Barbare, mais aussi le rire fracassant de la militante algérienne Djamila Bouhired et un “bat les couilles de votre tourisme on a tout le pétrole du monde” (ce fléau).
L’égo algérien est démesuré et les français blaguent sur la présence systématique de drapeaux algériens à chaque liesse populaire, quel qu’en soit le prétexte. Mais votre mépris n’a d’égal que votre inculture : vous ne savez rien du sang qui a dû couler pour brandir ce drapeau. Alors oui, tant qu’on le voudra et tant qu’on le pourra, on brandira ce drapeau, mais surtout cette irrévérence et cette dignité. Jusqu’au jubilé de l’autre ieuv.
Ce que vous prenez pour un égo trip mal placé, c’est notre barbarie intime et politique. C’est une impertinence comme unique et dernière arme face à un monde qui veut nous rapetisser. Cet égo trip, c’est la promesse éternelle d’une mort digne. La ferveur, la flamboyance et la magnificence ; rien que ça. Médine a écrit “je me sens algérien comme ceux qui l’étaient pas à la base, Jacques Vergès, Franz Fanon et la grand-mère d’Edith Piaf”. Algérien par choix politique et en conscience. Moi, je suis algérienne comme le Grand Médine, comme Fanon et Verges, mais aussi comme Djamila Bouhired, Benzema, comme ma sœur Sarah du groupe Mauvais Oeil, comme Assia Djebar, Habibitch, Kateb Yacine, Fianso et PNL. Pas moins. Et aussi algérienne que raciste est la France.
Alors ce clip de Dj Snake, il n’est pas qu’esthétique et plaisant. Il n’est pas non plus à décortiquer dans tous les sens pour en sortir une analyse prétentieuse. Il est ce qu’il est : algérien. Donc, brut, insolent et fier. C’est un poème orgueilleux et tranchant. La barbarie politique en image.
Pauvres de vous qui n’êtes pas algérien.nes
Note : Anissa Benomar avait initialement publié cette lettre d’amour sur son compte Instagram. Nous lui avons proposé de la republier ici, pour qu’elle ne se perde pas dans les méandres des algorithmes du réseau social. Pour qu’une fois de plus l’histoire de l’Algérie ne soit pas effacée. La trentenaire a grandi dans le 94, à l’intersection des deux cultures française et algérienne “puisque mes deux parents ont grandi, se sont connus et se sont mariés en Algérie avant de venir vivre en France au tout début des années 90”, comme elle nous l’explique. “Je me suis construite avec une immense influence algérienne (…) j’ai moi même vécu en Algérie plusieurs mois consécutifs à l’âge adulte“, détaille t-elle plus loin dans nos échanges.
9 juin 2022