Pourquoi n’y a-t-il pas de femmes pilotes en Formule 1 ?

Une invisibilité difficile à inverser même si de jeunes pilotes tentent de faire leur entrée dans la catégorie reine du sport automobile. 

« J’espère qu’un jour, une jeune femme forte arrivera et battra tout le monde ». En décembre 2019 Lewis Hamilton mettait la lumière sur un des défauts de la Formule 1 : l’absence de pilotes femmes et ce depuis 45 ans. 1976, c’est la dernière année où une femme a pris le départ d’un Grand Prix en Formule 1, depuis, seuls les hommes squattent les circuits dans un sport qui pourtant, comme la voile ou l’équitation, permet le mélange des sexes. Alors pourquoi la gente féminine est-elle aux abonnés absent ?

Quelques espoirs

Jamie Chadwick, 22 ans est l’exemple que les choses pourraient changer. La pilote britannique est présentée par tous les médias spécialisés comme le meilleur espoir féminin sur le monoplace. Championne en 2019 du W Series, championnat de course automobile exclusivement réservé aux femmes, elle rêve de gravir les échelons. Évoluant actuellement en Formule 3 Régionale avec l’écurie italienne Prema Racing, la britannique à l’espoir d’atteindre la F3 FIA en 2022, puis idéalement la F2 et enfin la F1. Elle peut compter sur la Fédération Internationale de l’Automobile et la Ferrari Driver Academy qui viennent de lancer une vaste opération de détection de jeunes talents féminins. Mais à 22 ans elle accuse déjà du retard face à des Pierre Gasly (24 ans) ou Charles Leclerc (23 ans). 

Des clichés qui ont la vie dure

Alors pourquoi aucune femme n’a réussi à se hisser aux côtés des Hamilton et autres Verstappen… Parce que c’est avant tout un milieu ultra compétitif avec seulement 22 places disponibles en F1 et pour atteindre cette liste le parcours est long. Il commence souvent dès le plus jeune âge, autour des 8 ans, lors de compétitions de karting. Un sport lui aussi ultra masculin et que l’ancienne pilote et Directrice de l’écurie de Formule E Venturi, Susie Wolff, tente de décloisonner avec la FIA et son programme « Girls on track ». Une initiative qui vise à « inspirer la future génération de filles et de femmes à entrer dans le sport automobile. Pas seulement en tant que pilotes, mais pour toutes les opportunités, les rôles et les postes du sport auto. De l’ingénieur à la mécanicienne en passant par la communication ou la préparation physique »

Le karting, étape pré-Formule 1, est également un sport qui demande un investissement conséquent. « Une saison de karting en championnat de France coûte entre 120 000 et 150 000 €affirmait Didier Laurent, journaliste spécialisé chez Auto Press Club. Garçon ou fille, peu de parents peuvent débourser cela pour leur enfant ». On est donc bien loin de certaines raisons sexistes évoquées il y a quelques années. Moins fortes physiquement pour encaisser les chocs, pas le même instinct de survie, l’envie de fonder une famille entre 25 et 30 ans les obligeant à mettre entre parenthèses leur carrière… Les femmes ont surtout souffert d’un cliché bien ancré : les voitures c’est pour les garçons. 

« Si vous mettez des femmes dans un simulateur, elles font des temps comparables à ceux des hommes », admettait Éric Boullier, directeur de l’écurie Lotus F1 en 2013 avant d’expliquer que « des études (avaient) été faites (…) et montraient que les femmes n’avaient pas la même capacité de coordination au volant que les hommes« . Des raisons physiques que le pilote Grosjean appuyait lui aussi : « On entend souvent dire que la F1 n’est pas un sport très exigeant physiquement, mais on peut perdre plus de 4 kilos sur une course. On ne part pas à égalité de chances ». Des propos rejetés par le docteur Riccardo Ceccarelli, qui s’est occupé de près de 75 pilotes de Formule 1 et dont les recherches sur l’optimisation physique des pilotes de F1 démontrent que ce sport s’est longtemps focalisée à tort sur le physique. « Un pilote a besoin que son cou et le haut de son corps soient musclés pour avoir assez d’énergie pour conduire, expliquait-il à la BBC. Mais passé un certain niveau, c’est l’endurance qui devient la clé : le cœur s’agrandit et pompe davantage de sang vers le cerveau, ce qui rend le pilote plus performant mentalement pour accomplir ses tâches dans le cockpit« . Pourtant certains continuent de croire que les forces encaissées en Formule 1 notamment dans les virages à haute vitesses et les phases de freinage, sont trop intenses pour les femmes. « Supposions que vous pilotiez à une vitesse de 300km/h sur un circuit et que vous vous battiez avec quelqu’un, vous allez devoir être courageux et oser. Je me demande si les femmes peuvent vraiment le faire« , lançait Helmut Marko responsable du programme jeunes pilotes chez Red Bull.

Une Formule 1 spéciale pour les femmes ? 

La question fait débat depuis plusieurs années et dans les rangs de la FIA et des pilotes les voix sont discordantes. L’ancienne pilote de Formule E et aujourd’hui membre de la Commission des femmes en sport automobile au sein de la FIA, Carmen Jordan, demandait déjà en 2017 une scission : « Je crois qu’un championnat de F1 féminin nous donnerait la chance de réaliser nos rêves et de concourir sur un pied d’égalité – comme dans d’autres sports ». Tollé à l’époque pour celle qui en 2018 sera de nouveau critiquée pour avoir affirmé que les femmes devrait se concentrer sur la Formule E (compétition automobile de type monoplace électrique). « Les femmes sont capables de bons résultats dans des championnats tels que le karting, la F3 ou le GT, mais il y a une barrière au niveau du physique en F2 et en F1« . Pour combler le vide et noyer le poisson une compétition alternative et 100% féminine, la W Serie, a été créée en 2018. Elle réunit 18 pilotes utilisant des monoplaces de la catégorie Formule 3 régionale et vient de signer un partenariat avec la Formule 1 en 2021. « Nous voulons que la W Serie divertisse et ce sera le cas. Mais nous voulons également que cela devienne un tremplin crucial par défaut pour toute pilote de course qui souhaite se tailler une carrière professionnelle et notre proximité avec la F1 aidera et améliorera ce processus », confiait Catherine Bond Muir, directrice de la compétition. Alors 2021 l’année des femmes dans le sport automobile ? 

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